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TEXTIQUE : QUE DIRE
QUANT À
LA LECTURE ?
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DU SAMEDI 1er AOÛT (19 H) AU
MARDI 11 AOÛT
(14
H) 2015
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DIRECTION : Jean RICARDOU
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AVERTISSEMENT :
Le présent Séminaire accueille
toute personne ayant, approximativement, au moins le "niveau du
baccalauréat", et s'estimant requise par le sujet traité.
En effet la textique est
une
discipline qui se développe avec sa technicité propre, mais l'usage de
son
vocabulaire spécial se trouve élucidé chaque fois que l'un des
participants en
manifeste le souhait.
À cela, il convient d'ajouter que les quatre premières séances, tenues
à partir des contributions appelées respectivement, Un apercu de la Textique et
"Intelligibilité structurale de l'écrit", permettent aux nouveaux une
rapide mise à niveau, tandis que, tous les deux jours, des séances
supplémentaires sont consacrées à l'explication des concepts majeurs en textique.
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ARGUMENT :
La textique?
Une discipline nouvelle, inaugurée en 1985, à Paris, au Collège
International de Philosophie, visant à établir une théorie
unifiante des structures de l’écrit accompagnée d'une théorie unifiante des opérations de l'écriture, ce qui
apparaît moins démentiel sitôt qu'il est compris qu'elle opère par
niveaux.
Ses avantages?
Pour la théorie: une coordination conceptuelle de
mécanismes jadis et naguère plus ou moins bien pensés, une reformulation critique de certaines
notions trop admises, ainsi qu’une réévaluation
concertée de phénomènes négligés, voire méconnus, et une classification réfléchie de la
plupart des erreurs possibles. Pour l'analyse:
sur la base de la cardinale notion de lieu scriptuel, un examen inédit, attentif,
notamment, aux prétendues broutilles. Pour l'écriture: la possibilité de programmes et métaprogrammes raisonnés
permettant la correction et la récriture à plusieurs.
En général: une clarté et une rigueur neuves dans l'ordre de
l’écriture ainsi que celui des concepts.
Sa méthode?
Explorer par niveaux la totalité des structures loisibles, leurs
problèmes et leurs effets, selon des ensembles
exhaustifs à spécification croissante, réfutables à mesure, le
cas échéant, par tout contre-exemple établi comme tel.
Le thème 2015?
La
lecture, activité apparemment très partagée, pourrait bien être
énigmatique à divers égards, et seront lors examinés plusieurs des
problèmes qu'elle
pose.
Le travail?
Sur la base des contributions
expédiées environ un mois à l’avance, chaque séance sera intégralement
consacrée à leur discussion méthodique.
Les
participants? Toutes celles et tous ceux, quels soient-ils,
que le domaine
ainsi balisé comme le travail du coup permis intriguent, et qui,
sachant que le
vocabulaire technique se trouve en séance aussi réduit que possible,
voire, s’il le faut, éclairci à mesure, désirent venir à titre de participants actifs ou d'auditeurs curieux.
Les séances?
En guise d’initiation ou de révision, un retour, pendant plusieurs
journées, sur la méthode et les enjeux, prolongé par
de supplémentaires séances destinées à une explication des concepts majeurs. Puis le traitement
des questions
annoncées. Et non moins, chaque fin d’après-midi, en vue d’unir, ainsi
qu'il sied, la théorie et la pratique, un atelier d’écriture à contraintes sur
la base d'un
programme élémentaire.
L'inscription?
Il est souhaitable, pour bénéficier du précoce envoi des écrits préparatoires, de l'accomplir au plus tôt.
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À l'intention de celles et ceux qui souhaitent, d'ores et déjà, en
savoir davantage, il est loisible d'ajouter les précisions suivantes:
Sitôt, d'une part, que la textique
vise à établir une théorie unifiante
des structures de l'écrit dans ses divers modes (dits tomique,
grammique, iconique, symbolique), et, conjointement, une théorie unifiante des opérations de
l'écriture, ce qui l'oblige à une exhaustivité
contrôlée sur un domaine immense, et sitôt, d'autre part, que ses
premiers efforts, comme tels, datent du milieu des années mille neuf
cent quatre-vingt, nul doute que, à l'orée du prochain séminaire, comme
pour les années précédentes, se posent, quant à la mise à niveau, l'un
étant celui de l'initiation et
l'autre celui de la révision,
deux problèmes distincts.
Le problème de l'initiation
concerne les participants nouveaux qu'une curiosité intellectuelle aura
porté à venir pour la première fois, car il est nécessaire, pour bien
saisir la pensée textique,
voire pour y concourir, d'être mis en possession, aussi soigneusement
que possible, de la méthode et des enjeux.
Le problème de la révision
concerne les participants habitués, voire chevronnés, car il est
opportun, avant ces journées de réflexion intense, de se remettre en
tête, soigneusement, les grandes perspectives du travail.
Cette initiation et cette révision se feront en deux phases à
partir,
notamment, du livre: Un aperçu de la
textique par Gilles Tronchet, et du fascicule mis à jour pour
2015 "Unification fondamentale de l'écrit" par Jean Ricardou.
La première phase relève de la préparation:
les deux volumes étant expédiés, avec d'autres écrits, un mois environ
avant le début du séminaire, les participants auront tout le loisir
qu'ils s'accorderont pour en prendre, à leur guise, ce qu'on appelle
habituellement connaissance.
La deuxième phase ressortit à la discussion:
les deux premières journées étant réservées à de libres échanges oraux
sur ces deux ouvrages, les participants auront tout le loisir permis
par les séances pour solliciter les éclaircissements éventuellement
nécessaires, voire pour énoncer, très librement, d'éventuelles
objections.
En outre, l'initiation des
participants nouveaux, amorcée lors
de ces deux premières journées
pourra, s'ils le souhaitent, se poursuivre par des séances aménagées au
début de
certaines après-midi, où une heure sera réservée, sous la
responsabilité de Daniel Bilous et de Jean-Christophe
Tournière, à un examen systématique des concepts majeurs.
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BIBLIOGRAPHIE
:
Il est possible, d'ores et déjà, de prendre une vue sommaire de la textique en consultant, chacun paru
aux éditions Les Impressions
nouvelles dans la série TEXTICA
(www.lesimpressionsnouvelles.com), les trois ouvrages suivants:
Jean Ricardou,
Intelligibilité
structurale du trait
Jean Ricardou,
Grivèlerie
Gilles Tronchet,
Un aperçu de
la textique |
CALENDRIER DÉFINITIF :
Samedi 1er
août
Après-midi:
ACCUEIL
DES
PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, du colloque en
parallèle, du séminaire et des
participants
Dimanche 2 août
Matin:
Gilles
TRONCHET: Un
aperçu de la textique (Initiation)
Après-midi:
Gilles TRONCHET: Un
aperçu de la textique (Initiation)
Lundi 3 août
Matin:
Jean RICARDOU: Unification
fondamentale (Initiation)
Après-midi:
Jean
RICARDOU: Unification
fondamentale (Initiation)
Mardi 4 août
Matin:
Jean-Christophe
TOURNIÈRE: Le Petit
Prince: lecture, critique, récriture (Investigation)
Après-midi:
Jean-Christophe
TOURNIÈRE: Le Petit
Prince: lecture, critique, récriture (Investigation)
Mercredi 5 août
Matin:
Antoine
Constantin CAILLE: La
lecture, entre prédétermination et virtualisation (Invitation)
Après-midi:
Amandine
CYPRÈS: Lire les écrits mixtes [Lier le(s) (écrits) divers] (Invitation)
Jeudi 6 août
Matin:
Jean
RICARDOU: La lecture comme phase de l'écriture (Investigation)
Après-midi:
Jean
RICARDOU: La lecture comme phase de l'écriture (Investigation)
Vendredi 7 août
Matin:
Laurent LIENART:
Hallucinations en
série (Invitation)
Après-midi:
Laurent LIENART:
Hallucinations en
série (Invitation)
Samedi 8 août
Matin:
Marc AVELOT: Déploiement
de l'inutile (Invitation)
Après-midi:
Marc AVELOT: Déploiement
de l'inutile (Invitation)
Dimanche
9
août
Matin:
Daniel
BILOUS: Une lecture
carambole (Investigation)
Après-midi:
Jean-Claude
RAILLON: Débords (Investigation)
Lundi 10
août
Matin:
Gilles
TRONCHET: La lecture au
fil de l’écriture (Investigation)
Après-midi:
Gilles
TRONCHET: La lecture au
fil de l’écriture (Investigation)
Jeudi 11 août
Matin:
Perspectives
Après-midi:
DÉPARTS
EXPLICATION :
En première partie d'après-midi, un jour sur deux, Jean-Christophe TOURNIÈRE et Amandine
CYPRES: Concepts majeurs (Explication)
En fin d'après-midi, chaque jour, à partir du 4 août, BESTIAIRE
ENNÉALOGUE (Atelier d'écriture)
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INITIATION :
Jean RICARDOU:
Unification fondamentale (évolution 2015)
Si la textique peut envisager,
d'ores et déjà, une exhaustion des
structures de l'écrit, c'est qu'elle accomplit deux gestes:
d'une part, celui d'œuvrer par niveaux, en offrant, pour chacun d'eux,
un ensemble conceptuel d'exhaustion;
d'autre part, celui d'élargir progressivement, du général au très
particulier, suivant de
nouvelles spécifications,
l'approfondissement de ses domaines.
I. Exhaustion
Dès lors que s'établissent, à chaque niveau, des ensembles conceptuels d'exhaustion,
ce sont deux exigences distinctes qui deviennent possibles.
La première, c'est, à tel niveau déterminé, de ne point laisser la
moindre zone d'ombre.
La deuxième, c'est, à chacun de ces niveaux, puisqu'il suffit,
pour objecter, de montrer une occurrence concevable échappant aux
concepts de telle matrice, de permettre les réfutations éventuelles.
Deux importants ensembles d'exhaustion,
avec leurs divers concepts associés (l'ensemble
modal et l'ensemble
efficacitaire) sont
présentés, entre autres choses, par le fascicule "Unification fondamentale de l'écrit".
+++
L'ensemble modal est d'allure
arborescente.
D'abord un tronc commun, à
savoir les phanes, entendus,
au plus général, comme "les zones déterminées, par au moins un
différentiel dans le champ qu'il implique".
Puis une première ramification,
comportant, d'une part, les grammes,
ou "phanes capables de
représenter en ce que, diversement liables aux sons d'au moins une
langue selon certaines suites déterminées, ils permettent, par le
relais d'une accréditation reçue, que s'ajoute, pour un récepteur
donné, une autre idée à celles qu'il est possible de se faire
d'eux-mêmes", et, d'autre part, les icônes
ou "phanes capables de
représenter en ce que, sans devoir être liés aux sons d'une langue, ils
comportent, pour un récepteur envisagé, au moins un caractère
déterminant de tel objet, ou type d'objet, concret ou abstrait, réel ou
fictif, vu sous quelque angle, et dont l'idée, ainsi, s'ajoute à celle
que l'on peut se faire d'eux-mêmes".
Enfin, une deuxième ramification,
ajoutant les symboles, ou "phanes capables de représenter en
ce qu'ils permettent, par le relais d'au moins une accréditation, reçue
ou convenue, que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, une autre idée à
celles qu'il est possible de se faire d'eux-mêmes", et qui, selon la
base (seulement phanique, ou grammique, ou iconique) sur laquelle ils
s'appuient, forment trois types (les
phanosymboles,
les grammosymboles, les iconosymboles).
+++
L'ensemble efficacitaire se
trouve spécialement développé ci-après, quant à sa portion représentative.
S'agissant de cette portion,
il est loisible de préciser qu'elle est faite d'un couple principal
flanqué d'un couple associé.
Le couple principal est formé
de l'orthoreprésentation,
déclarée advenue "chaque fois que des èdres
permettent correctement que
s'ajoute, pour un récepteur donné, une autre idée à celles que l'on
peut se faire d'eux-mêmes, si celle-ci semble convenir à tel ou tel
objet réel ou fictif, concret ou abstrait", et de l'ortho(méta)représentation, déclarée
advenue "chaque fois que, de manière organique,
transparaissent, au-delà du
régime représentatif, les "moyens",
matériels notamment, qu'en son
ordinaire fonctionnement l'orthoreprésentation
à la fois requiert et estompe".
Le couple associé est formé de
la dysorthoreprésentation,
déclarée advenue "chaque fois qu'un effet
d'orthoreprésentation se trouve engagé et entravé", et de la dysortho(méta)représentation "chaque
fois qu'un effet
d'ortho(méta)représentation se trouve engagé et entravé".
L'hypothèse de l'exhaustion
efficacitaire représentative
présume lors
que l'écrit représentatif ne
survient jamais sous d'autres structures que celles de l'écrit orthoreprésentatif (ou orthoscript), de l'écrit dysorthoreprésentatif (ou dysorthoscript), de l'écrit ortho(méta)représentatif (ou orthotexte), de l'écrit dysortho(méta)représentatif
(ou dysorthotexte).
C'est une explicitation de telles catégories qu'opère le fascicule "Unification fondamentale de l'écrit",
et c'est à une élucidation de tous
les écrits, quels soient-ils, et dans leurs moindres aspects,
que, à partir des concepts plus pointus qu'impliquent ces deux matrices
(la matrice modale et la matrice efficacitaire) la textique a pour mission de procéder.
II. Elargissement
Dès lors qu'il s'agit d'élargir ses investigations, la textique établit,
avec le fascicule "Unification
fondamentale" notamment les communes structures représentatives qui correspondent
aux
modes grammique
et iconique.
Gilles
TRONCHET: Un aperçu de la textique
Proposant une simple présentation de la textique, ce volume a été publié en
2012. Il a une double visée: d'abord, fournir un historique succinct,
pour montrer dans quelles conditions et selon quelles étapes la textique est apparue et s'est
constituée en une discipline nouvelle; puis, offrir un exposé des
principaux concepts et outils d'analyse élaborés jusqu'à présent.
Tout d'abord, comme la textique
s'efforce d'établir une théorie unifiante des structures de l'écrit, il
est indispensable d'expliquer la très large portée qu'elle donne à son
objet, puis de préciser comment il trouve à se spécifier selon
différents modes, permettant
d'envisager, notamment, les particularités des caractères
alphabétiques, des images et des symboles.
Ensuite, est retenu un domaine plus restreint et sans nul doute
familier à tout lecteur, l'écrit
représentatif relevant du mode
grammique: cela correspond, quitte à simplifier un peu, aux
écrits basés sur des séries de lettres, associables aux sonorités d'une
langue et susceptibles, par équivalence avec d'autres séries, de faire
surgir certaines idées (ainsi lorsqu'un terme s'échange avec sa
définition). Il s'agit d'inventorier et d'expliciter les grandes
catégories capables d'appréhender exhaustivement les structures
possibles dans un écrit grammique:
la textique prétend y
parvenir, en l'attente d'une éventuelle démonstration contraire,
susceptible de relancer la recherche.
Enfin, il a semblé utile de signaler quelques-uns des instruments
analytiques servant à explorer en détail les dispositifs repérables
dans un écrit représentatif,
sachant que l'un des acquis majeurs de la textique consiste à distinguer, par
rapport aux structures qui sont au service de la représentation, celles
qui outrepassent un tel régime,
en imposant leurs contraintes propres à la représentation, alors forcée
de s'adapter. C'est le cas par exemple avec les rimes classiques, mais
aussi avec beaucoup d'autres agencements irréductibles à la logique
représentative, qui relèvent dès lors d'un régime métareprésentatif.
Il faut observer toutefois qu'un simple aperçu comme celui-ci ne
saurait dispenser à propos de la textique
davantage qu'une information initiale: une approche théorique plus
fouillée, débouchant sur une pratique effective de la discipline, exige
de bien plus amples développements.
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INVESTIGATION :
Daniel BILOUS: Une lecture carambole
Conduite à partir des vues de la textique, l’analyse de l’image
publicitaire suivante:
offre l’exemple d’une lecture à contrecoups, à l’instar du jeu qu’elle
évoque. Soit une scène où des joueurs, d’abord mués en l’objet même du
déchiffrement, observent la métamorphose de la table en enseigne et se
changent eux-mêmes, pour finir, en lecteurs.
Jean-Claude RAILLON: Débords
La présente contribution se propose de fournir l’analyse comparée d’un
couple d’outrepassements remarquables, le premier qu’offre, dans sa
partie inférieure droite, certain bas-relief roman (1), le second
qu’offre, dans sa partie inférieure droite, certain panneau du retable
de l’Agneau mystique par les
frères Van Eyck (2).
L’étude sera
conduite à la lumière des concepts d’ortho(plasto)texture
et d’ortho(hyper-(autothémo))texture.
La textique nomme ortho(plasto)texture
la structure par laquelle notamment ce qui est représenté se subordonne
ouvertement, et de façon correcte, aux conditions de la représentation
en jeu. La textique nomme ortho(hyper(autothémo))texture
la structure par laquelle ce qui est représenté se trouve désigner
spécialement, et de façon correcte, tels aspects du jeu représentatif
lui-même.
(1) tel que voici reproduit, en son entier et dans son détail:
AAA
(2) tel que voici reproduit, en son entier et dans son détail:
AAA
Jean RICARDOU: La lecture
comme phase de l'écriture
La lecture sera entendue comme une opération et, par suite, dans un
prime temps, c'est le mécanisme d'opération qui, selon la méthode
suivie pour établir Intelligibilité
structurale de l'écrit,
fera l'objet d'une tentative d'éclaircissement, puis, dans un second
temps, c'est la nécessaire insertion de la lecture dans l'opération
d'écriture que cette contribution s'efforcera de manifester.
Jean-Christophe
TOURNIÈRE: Le Petit Prince: lecture, critique, récriture
L’étude, ci-dessus intitulée, se laissera notamment caractériser, comme
son titre l’indique, par trois remarquables phases.
La lecture, qui délimitera
tels fragments de l’écrit en
jeu afin d’en permettre de précises évaluations.
La critique, qui, dans la
mesure où ces précises évaluations
mettront au jour quelques failles
(et il se pourrait que cet écrit
en comporte, non seulement plusieurs, mais encore d’assez lourdes),
affûtera de cohérentes contestations.
La récriture, qui, à la suite
de ces cohérentes contestations,
expérimentera, dans le respect des exigences de l’écrit en jeu, de possibles améliorations.
Gilles TRONCHET: La
lecture au fil de l’écriture
La textique avance notamment cette hypothèse: une théorie cohérente de
l’écrit doit aborder la lecture comme une phase dans un procès
d’écriture.
Par suite une approche conceptuelle de la lecture doit se développer en
un sous-domaine, inclus dans celui de l’écriture.
C’est que les manœuvres des lecteurs procèdent selon un discernement de
composants et de structures dans un écrit. Or cette mise en évidence ne
saurait advenir indépendamment d’une confrontation avec d’autres
éléments, actuels ou virtuels, analogues sous quelque aspect.
Les échanges ainsi réalisés impliquent l’éventualité de substituer aux
occurrences repérables des agencements distincts, selon une démarche
qui, susceptible de transformer l’écrit, relève de l’écriture.
Aussi la lecture ne se ramène-t-elle pas à un déchiffrement et
l’écriture ne se réduit-elle pas à une inscription. L’une et l’autre
sont à envisager dans le cadre d’une opérativité instruite par
l’analyse et propre à établir les structures de l’écrit.
Loin de prétendre explorer dans son ensemble un aussi vaste champ
d’étude, le présent travail répond à une double visée:
- d’abord, examiner, comme des atouts de l’écriture, quelques
opérations cardinales de la lecture, en tâchant d’élucider la manière
dont elles s’intègrent dans un processus transformateur, effectif ou
suspendu;
- ensuite, déterminer, comme des outils de la lecture, certains
concepts cruciaux pour l’approche analytique de l’écrit, en s’attachant
à éclairer la manière dont ils sont susceptibles d’intervenir dans le
discernement.
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INVITATION
:
Marc AVELOT: Déploiement de l'inutile
Il en est des idées comme de certaines choses: à force de les croiser,
on ne les voit plus. Mais il en est aussi des idées comme de certaines
personnes aux dires de Jean Paulhan: "elles gagnent à être connues,
elles y gagnent en mystère". C’est le cas de la littérature.
La littérature bénéficie d’une évidence
culturelle: des rayons de librairies lui sont dédiés, des
émissions télévisuelles scandent son actualité, les journaux en font
rubrique, la rentrée d’automne est la sienne.
La littérature atteste d’une existence
institutionnelle: des filières scolaires prennent son nom, des
départements universitaires s’y adonnent, des diplômes la sanctionne,
un prix Nobel la consacre.
La littérature témoigne d’une pertinence
temporelle: on peut fixer son faire-part de naissance (quelque
part en Grèce, avec Philippe Brunet, ou à l’époque du romantisme
allemand, si l’on suit Jean-Marie Schaeffer), on peut décrire son
évolution et les métamorphoses de son idée avec Jacques Rancière, on
peut même prendre acte de son décès, vers 1950, avec Raymond Dumay.
Mais qu’en est-il de la littérature comme concept? Y a-t-il, à proprement
penser, un concept de la littérature? Ceux qui, autour de la question
de la littérarité, se sont frottés à cette problématique — et
éminemment le théoricien Gérard Genette — ne sont pas loin d’avouer le
caractère aporétique de leurs recherches qui semblent aboutir à cette
tautologie: la littérature est ce que l’on nomme la littérature.
À partir de ses propres travaux et réflexions, Marc Avelot reviendra à
nouveaux frais sur la question nommée
littérature. Synthétisant les recherches les plus rigoureuses
qui, depuis les formalistes russes, se sont efforcés de dégager un
concept-littérature, il dissèque les critiques les plus rigoureuses qui
en ont été faites et, notamment, sa disqualification radicale par Jean
Ricardou. Il tente, enfin, de construire, avec le concept de
"texte-à-effet de fiction", une théorisation précise de ce qu’on
désigne comme littérature et en démontre la nécessité comme la
fertilité pour penser une pratique artistique humainement essentielle.
Antoine Constantin CAILLE: La lecture, entre prédétermination et
virtualisation
Que dire quant à la lecture? On peut dire que la lecture d’un texte est
prédéterminée par son auteur, qui, de par son art de la composition,
maîtriserait le virtuel du texte, entendu comme sa lisibilité. Telle
est la conception à laquelle nous invite Georges Perec avec sa fameuse
métaphore du puzzle, donnée en préambule à La Vie mode d’emploi. Mais en
disant cela, on risque d’oublier de dire que l’écriture elle-même est
prédéterminée, par plusieurs types de normes et de règles. La prise de
conscience par l’écrivain de la prédétermination qui affecte son
travail d’écriture remet-elle en question sa prétendue capacité à
maîtriser la réception de son œuvre? Un lecteur ayant à sa disposition
un attirail critique dernier cri, et s’occupant de l’objet textuel dans
son attachement à un moment du passé, n’est-il pas davantage en mesure
de définir qu’elle était le virtuel de l’auteur (l’écrivabilité) que ne
l’était celui-ci de prédire le virtuel futur (la lisibilité)? Dans sa
préface à Un coup de dés...,
Mallarmé montre quant à lui une grande prudence concernant sa capacité
à prédéterminer les effets de son texte ("sans présumer de l’avenir qui
sortira d’ici"). Pourtant son poème est un très minutieux travail de
prédétermination des gestes de lecture. Le concept de virtualisation
peut ici venir en renfort.
Nous devons en effet être sensibles au fait que la textualité est
paradoxalement et nécessairement dissimulée par ce qui la fait
apparaître. Tel nous paraît être l’enjeu principal d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard,
auquel on se ferme en parlant du Coup
de dés — en tenant pour négligeable le déterminant et premier
mot du poème. Dans une plus large mesure, on peut repérer un certain
nombre de procédés par lesquels un texte sensibilise son lecteur à la
disparition qu’il engendre. Ces procédés sont des virtualisations, en
un sens deleuzien, développé par Pierre Lévy, en tant qu’ils suscitent
une remontée de l’actualité du texte vers le champ problématique de la
textualité; ils sont également des procédés de virtualisation en un
sens texticien: à l’intérieur de ce cadre théorique, la virtualisation
se définit comme un processus par lequel apparaît à l’esprit une partie
absente sous l’effet d’une présente structure. À travers plusieurs
exemples, dont la comparaison des deux fragments de texte ci-dessous,
sous l’angle de leur virtuelle intersection, nous essaierons de
problématiser le rapport entre prédétermination et virtualisation pour
en tirer quelques choses à dire quant à la lecture.
(Ricardou, "Entre présence et absence", Dactylogramme pour le Séminaire
de textique, illustration 12)
Ma faim, qui
d’aucuns fruits ici ne se régale
Trouve en leur docte manque une saveur égale:
Qu’un éclate de chair humain et parfumant!
Le pied sur quelque guivre où notre amour tisonne,
Je pense plus longtemps peut-être éperdûment
A l’autre, au sein brûlé d’une antique amazone.
(Mallarmé, "Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos", Poésies, Garnier-Flammarion, page
111)
Amandine CYPRÈS: Lire les écrits mixtes [Lier le(s) (écrits) divers]
Il s'agira d'interroger le processus de
la lecture à partir d'un cas, à première vue, particulier: celui des
écrits qui participent d'au moins deux natures différentes.
Comment s'articulent alors ces éléments divers au sein d'"une" lecture
et jusqu'où leur articulation permet-elle de trouver une unité dans le
divers?
Plusieurs sortes d'articulations devront donc être présentées (celles
propres à l'objet de la lecture d'abord — tout écrit présentant une
grande diversité d'éléments qui s'articulent entre eux —, puis celles
propres à la lecture elle-même — définie entre autre comme une
articulation entre des signes graphiques et les éléments d'une langue
—) avant de montrer comment la textique permet de mieux penser et
ordonner cette multiplicité.
Plusieurs cas de mixité, mais aussi de mélange, pourront alors être
observés et faire l'objet d'un questionnement.
Laurent LIENART:
Hallucinations en série
Le régime des
passions de Clément Rosset (Minuit, 2001) est le théâtre de
curieuses occultations de sons ou de mots, qui ne restent pas sans
conséquences. Si elles répondent sans doute à des exigences de nature
stylistique, elles expliquent, mieux que des considérations
psychologiques, la survenue, presque en coulisse de l’écrit, d’une
hallucination secondaire qui sourd à la suite de l’aveu discursif, sous
les feux de la rampe argumentative, d’une hallucination primaire. Les
conditions de survenue de ces hallucinations ainsi que leur sérialité
seront, au sein de la contribution qu’annoncent ces lignes, prises au
sérieux.
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EXPLICATION :
Des
séances d'explication,
sous la responsabilité de
Jean-Christophe Tournière, et avec le concours d'Amandine Cyprès,
auront
pour objectif de faire bien saisir, et sur l'appui d'exemples, le
système conceptuel majeur, à partir du fascicule "Intelligibilité structurale de l'écrit"
(Evolution 2015).
Dans une première phase, il
s'agira de traiter les difficultés éventuellement rencontrées par
d'aucunes et d'aucuns pendant leur préparation
ou les séances d'initiation.
Dans une seconde phase, il
s'agira de poursuivre, amorcée lors des deux premières journées et avec
un grand souci de clarté inclinant à multiplier les reformulations, la
rigoureuse exposition du système
conceptuel majeur.
Première séance: La
textique - Ecrit (phane, comparution)
Textique:
discipline animée d'un double souci: d'une part, celui de concourir à
une théorie unifiante des structures
de
l'écrit, quel soit-il, sous ses divers aspects; d'autre part, celui
d'établir, conjointement, une théorie
unifiante de l'activité d'écriture, quelle soit-elle, sous ses
divers angles.
Ecrit:
ensemble des éléments d'un champ rendu sensible au moins par un
effet
différentiel.
Phanes:
visibles zones
issues d'un effet différentiel qui comparaissent dans le champ que celui-ci implique.
Comparution:
opération
universelle par laquelle, selon la édrisation, un effet différentiel impliquant un champ y fait advenir toujours, sur
sa totalité, au moins deux phanes.
Deuxième séance: Modes
(phanique, grammique, iconique, symbolique)
Mode phanique:
manière d'être d'un écrit
quand il offre seulement des phanes.
Grammes:
phanes
permettant, seuls ou réunis, de produire un effet représentatif en ce que,
diversement liables, par le relais de spéciales
associations convenues, aux sons d'au moins une langue selon
certaines suites déterminées, ils contribuent à permettre que s'ajoute,
pour un récepteur envisagé, au moins une autre idée à celles qu'on peut
se faire d'eux-mêmes.
Mode grammique:
manière d'être d'un écrit
quand il est fait de grammes.
Icônes: phanes permettant, seuls ou
réunis, de produire un effet
représentatif en ce que, sans
devoir être liés aux sons d'une langue, ils comportent, pour un
récepteur envisagé, au moins un caractère déterminant de tel objet ou
type d'objet distinct, concret ou abstrait, réel ou fictif, vu sous un
certain angle, dit objet concerné,
et dont l'idée, ainsi, s'ajoute à celles que l'on peut se faire
d'eux-mêmes.
Mode iconique:
manière d'être d'un écrit
quand il est fait d'icônes.
Symboles:
phanes
permettant, seuls ou réunis, de produire un effet représentatif en ce qu'ils
rendent possible que s'ajoute, pour un récepteur envisagé, directement
ou indirectement, par le relais au moins d'une spéciale association, reçue ou convenue, au moins une autre idée à
celles que l'on peut se faire d'eux-mêmes.
Mode symbolique:
manière d'être d'un écrit
quand il est fait de symboles.
Troisième séance:
Structures, Paramètres (dont chorisme, phonisme, morphisme, photisme,
chromisme), Régimes (présentation, métaprésentation, représentation,
métareprésentation)
Structure:
tout ensemble d'éléments isssu
d'au moins une relation.
Paramètre:
tout aspect d'une structure susceptible d'une
détermination et d'une organisation.
- paramètre phanique:
apparence d'un phane
- hypoparamètre morphique:
bordement d'un phane
- hypoparamètre photique: luminosité
d'un phane
- hypoparamètre chromique: couleur
d'un phane
- paramètre chorique:
situation d'un phane.
Orthoreprésentation:
opération
par laquelle des phanes
permettent correctement que
s'ajoute, pour un récepteur envisagé, au moins une autre idée à celles
qu'on peut se faire d'eux-mêmes.
Ortho(méta)représentation:
opération
par laquelle un écrit conduit
organiquement, de correcte
façon, directe ou
indirecte, les "moyens",
matériels notamment, qu'en son ordinaire
procès celle-ci à la fois requiert et, en son conjoint effet destitutif, estompe, à leur restitution au-delà de l'orthoreprésentation.
Quatrième séance:
Factures (orthostructure, dysorthostructure), Pratique (écriture,
récriture)
Factures:
diverses réalisaions par lesquelles peut s'offrir
une structure.
Orthostructure:
structure
censée correcte en son efficience additionnelle.
Dysorthostructure:
structure
censée incorrecte en son efficience additionnelle.
Ecriture:
enchaînement des opérations qui concourent à la venue d'un écrit dans ses diverses structures.
Récriture:
enchaînement des opérations qui concourent, à partir d'un écrit, à la venue d'un
nouvel autre écrit.
|
INVENTION
:
Bestiaire énnéalogue (atelier
d'écriture)
Les règles
d'écriture
Le travail quotidien en Atelier
d'écriture se fera en deux phases sur la base d'un programme,
lié à de précises considérations théoriques, mais qu'il est possible
d'honorer d'une façon toute naïve, en suivant simplement, au mieux, les
neuf exigences que voici:
Première règle:
Chaque écrit, destiné à un perfectionnement collectif, et pouvant
ultérieurement faire partie d'un corpus intitulé BESTIAIRE, sera établi
de façon individuelle sous les relatives apparences d'un article
encyclopédique ayant pour thème un animal fantastique.
Deuxième règle:
Il débutera par le nom de l'animal, précédé d'un article défini, et se
terminera par une mise en rapport de cet être avec un autre dont le
nom, formant le dernier mot de l'ultime ligne, et l'article qui le
précède seront mentionnés avec des points de suspension (en principe,
dans le corpus, cette zone recevra le titre de l'écrit suivant).
Troisième règle:
Il adoptera, en guise de titre, le nom de l'animal, exclusivement
composé avec le plus grand nombre possible des lettres du mot BESTIAIRE.
Quatrième règle:
Il choisira, pour ce nom, une combinaison de ces lettres capable de
fournir approximativement un certain sens.
Cinquième règle:
Il déterminera, à partir du sens ainsi produit, certains caractères
majeurs de l'animal.
Sixième règle:
Il se composera d'une série de neuf lignes, toutes faites de neuf mots.
Septième règle:
Il manifestera au moins une fois, en les comportant à des places
respectives notables, les lettres du mot de base, BESTIAIRE.
Huitième règle:
Il présentera, si possible, au moins une mention capable d'assurer une
désignation de certains des aspects matériels du mot de base, BESTIAIRE.
Neuvième règle:
Il offrira, si possible, au moins une mention capable d'évoquer certain
de ses propres aspects matériels hors ceux qu'il partage avec le mot de
base, BESTIAIRE.
+++
La première phase sera
consacrée, sur plusieurs séances, à la lecture collective, selon une
méthode stricte, d'un des écrits
qu'auront composé, dans cette
optique, au préalable, certains participants (pour information,
précisons que l'écrit examiné
en 2011 a été "La SIBARITE").
L'écrit examiné en 2011:
La SIBARITE
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«Sybarite:
personne qui recherche les plaisirs dans une atmosphère de luxe et de
raffinement » (Petit Robert)
|
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«Y:
I grec
(ainsi dit parce
qu’il servait aux Latins à transcrire le upsilon
grec) » (Petit Robert)
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La sibarite
est un
|
authentique
animal voulant
six barres
|
pour son
image mais
|
ne
sachant incorporer que trois
|
d’entre
elles. Bien
|
que
belle à sa façon,
|
elle
éprouve une carence
|
absolue
et se ressent
tristement
|
gauche,
cherchant ce qui
|
réussirait
à la rendre adroite.
|
Connu
depuis les anciens
|
idiosyncrasiques
grecs qui
manquaient de
|
ce qu’elle
possède,
|
tout son
comportement la pousse
|
à féconder
son œuf
|
en
visant maints plaisirs, son
|
rite lui
intimant une
|
bascule
spéciale vers l... ...
|
|
(le
tribar) |
|
|
|
(J.R.)
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+++
La deuxième phase, au fil des
séances suivantes, sera vouée à un examen et une éventuelle
recomposition de cet écrit (pour information, précisons que l'écrit recomposé, en 2011, a
été "Le SIBARITE").
L'écrit recomposé en 2011:
Le SIBARITE
|
«Sybarite:
personne qui recherche les plaisirs dans une atmosphère de luxe et de
raffinement » (Petit Robert)
|
|
«Y:
I grec
(ainsi dit parce
qu’il servait aux Latins à transcrire le upsilon
grec) » (Petit Robert)
|
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|
Le sibarite
est un
|
autre
animal rêvant six
barres
|
pour son
image mais
|
ne
sachant incorporer que trois
|
d’entre
elles. Bien
|
que beau
à la lettre,
|
il éprouve
un vide
|
abyssal
et se ressent
tristement
|
gauche,
cherchant ce qui
|
réussirait
à la rendre adroite.
|
Connu
depuis les anciens
|
idiomes
grecs qui manquaient de
|
ce qu’elle
possède,
|
tout son
comportement la pousse
|
à féconder
son œuf
|
en
visant maints plaisirs, son
|
rite lui
intimant une
|
bascule
spéciale vers l... ...
|
|
(le
tribar) |
|
|
|
(d'après
J.R.)
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