RÉSUMÉS :
Daniel BILOUS: Une réplication
ambiguë: les anagrammes
Classiquement définie (par Littré) comme la "transposition
de lettres, qui d'un mot ou d'une phrase fait un autre mot ou une autre
phrase", l'anagramme connaît de nombreuses variétés.
On en limitera l'examen à une seule espèce, le quasi genre
littéraire auquel la pratique a donné lieu, et que l'on définira
pour l'essentiel ainsi: la dérivation d'une formule depuis un patronyme
plus ou moins célèbre, ladite formule fonctionnant dès
lors plutôt comme un jugement, une vérité sur (et parfois
une virtuelle devise pour) l'individu en question. Et l'on examinera en praticien
dudit genre, soucieux de vérifier ou d'infirmer les intuitions de
l'empirie technique au contact des instruments de la théorie textique.
L'hypothèse est la suivante: lorsqu'un patronyme voit son matériau
grammique redisposé pour donner un avatar verbal (acceptable
ou non en langue), la réplication est au départ descriptible
à partir de ce que la
textique nomme
interscrit. Toutefois,
le
caractère interscriptuel de l'anagramme se trouve presque
toujours d'emblée masqué par ce que l'on appellera une
visée
formulaire, elle massivement
rhétorique, qui prédétermine
la sélection de l'avatar parmi tous les autres combinats possibles.
Dès que choisie, la formule associant la base patronymique et son
avatar transforme le
duo interscriptuel en
un seul et même
écrit, dont l'orientation, quant à la visée représentative,
demeure ambiguë.
Jean RICARDOU: L'interscrit (condition,
composition, connexion)
L'on se propose d'appeler
interscrit, au plus humble, tout ensemble
d'écrits distincts quand ils se trouvent associés, et l'on
envisage, à cet égard, d'examiner trois problèmes:
la condition, la composition, la connexion.
Par
condition de l'interscrit, l'on entendra la situation qui permet
d'envisager la possibilité même de l'
interscrit. En effet,
sauf à s'en remettre, ainsi que trop souvent, à un empirisime
naïf, il sied de substituer, à ce que d'aucuns acceptent comme
un "donné", ce qui pourrait bien mériter le nom de "construit".
Par
composition de l'interscrit, l'on entendra la procédure
qui permet la
prise ensemble de divers
écrits distincts.
En effet celle-ci peut être aléatoire ou arbitraire (et ressortir
lors au
diktat) ou motivée (et relever lors du
principe).
Par
connexion de l'interscrit, l'on entendra la précaution
qui permet la
mise ensemble de divers écrits distincts. En
effet, selon l'espèce du principe de composition, la
mise ensemble,
sauf à risquer d'être ineffective pour tel lecteur, demandera
souvent un surcroît de soin.
C'est, pour l'
écrit schémique (à savoir, par
abus de simplification, l'
écrit constitué de "figures"
exemptes d'effets de représentation), et pour l'
écrit
grammique (à savoir, par abus de simplification, l'
écrit
constitué de "lettres" et provoquant des effets de représentation),
que seront examinés ces problèmes.
Bernardo SCHIAVETTA: Objections
à la textique
Il me semble que je peux opposer à la textique au moins trois objections
fondamentales, car, pour une discipline qui se veut "exhaustive", elles impliquent
la mise à l’écart d’aspects fondamentaux du texte.
1) Son parti pris pour une "lecture à la loupe" matérialiste,
méconnaît la pragmatique de textes qui ne sont pas écrits
pour être lus de la sorte ; autrement dit, en regardant le texte
comme objet et non comme discours, la textique méconnaît les
règles pragmatiques de sa production et de sa réception ;
elle tombe ainsi dans la surinterprétation formelle.
2) De ce premier parti pris il résulte un anti-intentionnalisme
radical, qu’elle partage avec d’autres tendances de la critique textuelle
(Wimsatt et Beardsley, Barthes, Derrida, etc.) ; or en privilégiant
la signification et l’énoncé au détriment du sens et
de l’énonciation du texte, elle finit par le méconnaître
comme fait de communication ; elle tombe ainsi dans la surinterprétation
sémantique.
3) Son parti pris pour la complétude des structures servant à
ce qu’elle appelle la "représentation", écarte les esthétiques
de l’incomplétude (la modernité iconoclaste) ; elle tombe ainsi
dans la normativité crypto-classique.
Ces objections me semblent devoir déboucher sur une mise en question
de la vocation de la textique: elle devrait se proposer, de manière
plus réaliste, comme une technique normative d’écriture et
de lecture, seulement valable pour les textes produits selon ses normes
de production et de réception.
Michel SIRVENT: Sur quelques variétés
d'interscrit
On abordera l'interscrit à partir de l'un des secteurs qui le composent.
Ce secteur, on l'appellera interscrit citationnel. On reviendra à
ce propos sur la distinction entre
inter(intra)scrit et
inter(extra)scrit
présentée au séminaire 2001.
Gilles TRONCHET: Lignes de partage:
d'interscrit en intrascrit
Si, par exemple, on observe deux écrits, disposés au voisinage
l'un de l'autre, dans tel volume, et que l'on distingue entre eux certaines
structures communes, on analysera celles-ci, en textique, comme des interscriptures
ou des intertextures, au sein d'un interscrit. D'emblée, une telle
dichotomie, parce qu'elle repose nécessairement sur une analyse des
divers aspects que présentent des écrits, mais surtout parce
qu'elle vise à une prise en compte exhaustive de leurs possibles relations,
permet un gain théorique appréciable par rapport aux critères
plutôt flous de l'approche couramment nommée intertextuelle.
Cependant, il reste à vérifier l'autonomie des deux objets,
faute de quoi les structures ainsi dégagées relèveraient
finalement de l'intrascrit, les deux écrits préalablement retenus
se révélant du coup deux fragments d'un écrit plus
vaste.
Le problème qu'abordera la contribution sera donc celui des critères
qui peuvent servir à opérer le partage entre les domaines intra
et interscriptuels. Il conviendra de rechercher si la frontière est
à concevoir comme une démarcation exclusive ou comme une distinction
relative, tributaire de découpes particulières au sein du
réel, tantôt isolant, tantôt conjoignant des éléments
qui appartiennent en fait à un continuum. Cela suppose d'envisager
comment s'effectue l'articulation entre des écrits a priori distincts,
de manière à entraîner leur intégration dans
un même ensemble, que cela se produise sur une base lectorale, à
travers les rapprochements pratiqués, ou bien scripturale, par le
biais des agencements élaborés, capables de garantir la cohésion
d'un corpus.
Une telle démarche conduit à s'interroger sur le statut
des objets scripturaux voués à réunir du divers, tels
que les différents types de recueils, les séries d'ouvrages,
les continuations narratives ; elle implique de problématiser la
notion couramment admise d'œuvre, pour n'y voir qu'une émergence
empirique particulière dans ce qu'il importe à la théorie
de situer en regard des lignes de partage propres à caractériser
les statuts respectifs de l'interscrit et de l'intrascrit.
Dolorès VIVERO: La pièce
redémontée
L'on tentera de procéder à la récriture d'un travail
centré sur les relations d'équivalence sémantique
partielle dans l'écrit. L’étude porte fondamentalement sur
les conditions nécessaires pour que ces relations soient perceptibles
à la lecture. Ces conditions, de même que les modalités
d’apparition de ces structures, seront étudiées en fonction
du rapport entretenu avec la représentation que l’écrit permet
de construire. Il faudrait ainsi, pour être perceptibles, qu’elles
ne soient pas exigées par la cohérence représentative,
mais il faudrait, pour apparaître en tant que contrainte déterminant
l’effet de représentation, qu’elles soient indépendantes vis-à-vis
de celui-ci ; entre ces deux cas de figure, l’on tentera d’étudier
celles qui s’affichent en tant qu’agencements contribuant à l’effet
de représentation suscité par l’écrit. Cette réflexion
prendra pour exemple la célèbre description de "la pièce
montée" de
Madame Bovary.