DU LUNDI 2 JUILLET (19 H) AU LUNDI 9 JUILLET (14 H) 2007
DIRECTION : Christian CHELEBOURG
ARGUMENT :
La critique du surnaturel religieux engagée par les Lumières contribua à faire glisser le concept du champ de la croyance vers celui de l’esthétique, où son rendement poétique fut dès lors évalué à l’aune du pittoresque. Ainsi les croyances populaires firent-elles massivement leur entrée dans la littérature, induisant une exploration du folklore et un attrait croissant pour le diabolisme. C’est à la faveur de ce mouvement, accompagné d’une interrogation sur les formes modernes d’un merveilleux « vraisemblable », qu’émergea le genre fantastique, tandis que se renouvelait celui de la féerie et que prospérait, sous les formes les plus diverses, la recension des contes et superstitions populaires. Cette dynamique entraîna un intérêt pour les phénomènes psychologiques et la folie, qui devait conduire à leur exploration psychanalytique et bouleverser à nouveau l’art surnaturaliste en mettant au jour ses enjeux inconscients.
L’objectif de ce colloque est d’étudier dans sa pluralité l’écriture du surnaturel en cette période charnière qui recouvre un XIXe siècle élargi, et de faire le point sur les questions culturelles, esthétiques ou génériques qu’elle soulève, en resituant celles-ci dans le cadre doxologique qui fut le leur. Il s’agira aussi de recontextualiser la naissance et l’évolution du fantastique, comme d’être attentif aux prémices littéraires de l’entreprise freudienne.
CALENDRIER DÉFINITIF :
Lundi 2 juillet
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants
Mardi 3 juillet
Matin:
Christian CHELEBOURG: Du merveilleux surnaturel au merveilleux chrétien — sur l'émergence de l'esthétique romantique
Jean-Michel RACAULT: Un crépuscule des Lumières? Les ambiguïtés idéologiques du surnaturel diabolique chez Cazotte et Beckford
Après-midi:
Guilhem ARMAND: Le surnaturel à la fin des Lumières: entre science et magie
Antoine FAIVRE: « Eloquence magique » ou mondes de l'au-delà révélés par le magnétisme animal: au carrefour du Romantisme, de courants ésotériques et de la littérature fantastique (première moitié du XIXe siècle)
Soirée:
Dracula, de Francis Ford COPPOLA (1992)
Mercredi 4 juillet
Matin:
Daniel FONDANECHE: Le fantastique "fin de siècle": l'univers de Maupassant
Noro RAKOTOBE-D'ALBERTO: Le Dieu d'Alfred de Vigny
Après-midi:
Danièle ANDRÉ: L'aube des vampires
Vincent TAVAN: Le vampire amoureux. Eléments pour une poétique du désir romantique
Soirée:
Les Frères Grimm, de Terry GILLIAM (2005)
Jeudi 5 juillet
Matin:
Fabrice WILHELM: Le pacte avec le Diable dans La Comédie humaine
Marie RASONGLES: "La réalité du surnaturel" — Esthétique de Théophile Gautier
Après-midi:
REPOS
Soirée:
Le Fantôme de l'opéra, de Dario ARGENTO (1999)
Vendredi 6 juillet
Matin:
Anne-Marie CALLET-BIANCO: De l'usage du surnaturel dans le roman historique: l'exemple d'Alexandre Dumas
Michel BERTRAND: Relais intertextuels: de la fabrique d'un surnaturel nécrophile à ses réécritures (W. Irving, P. Borel, A. Dumas)
Après-midi:
Jérôme SOLAL: Grandeur et décadence: l’élixir de vie selon Balzac et Lermina
Isabelle CASTA: De l'homme sans nom à l'homme sans nez: les figures du malheur chez Gaston Leroux
Soirée:
Frankenstein, de Kenneth BRANAGH (1994)
Samedi 7 juillet
Matin:
Serge MEITINGER: Du surnaturel selon Mallarmé
Giovanni BERJOLA: Le surnaturel dans Les Chants de Maldoror de Lautréamont: didactique du mal et écriture de la transgression
Après-midi:
David MARTENS: Fantastique et problématique identitaire chez Villiers de l'Isle-Adam
Table Ronde : Surnaturel et fantastique
Soirée:
Finding Neverland, de Marc FORSTER (2004)
Peter Pan, de Clyde GERONIMI, Wilfred JACKSON & Hamilton LUSKI (1958)
Dimanche 8 juillet
Matin:
Stéphane LE COUËDIC: Poème en prose et surnaturel
Laurent DEOM: Peter Pan ou les enchantements d'un surnaturel désenchanté
Après-midi:
Myriam KISSEL: Le Double de Dostoïevski: une énigme narrative entre surnaturel et folie
Lucien SOKOLOWSKI: La bête du Vaccarès et la bête de Lascaux
Soirée:
Sleepy Hollow, de Tim BURTON (1999)
The Legend of Sleepy Hollow, de Clyde GERONIMI & Jack KINNEY (1958)
Lundi 9 juillet
Matin:
Maryse PETIT: Derrière la nuit... à propos de Maurice Maeterlinck
Christian CHELEBOURG: « Les hideuses chimères de la crédulité » — Ecriture et superstition
Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS
RÉSUMÉS :
Danièle ANDRÉ: L'aube des vampires
De John-William Polidori à Bram Stocker, le vampire apparaît comme l’une des figures majeures du surnaturel anglo-saxon au XIXe siècle. Nous reviendrons sur l’origine de ce mythe pour tâcher de comprendre le sens qu’il revêt à l’époque ainsi que les effets de peur et d’angoisse qu’il produit. Nous nous interrogerons également sur son évolution au cours du siècle, jusqu’au début du XXe lorsque le cinéma s’en empare.
Guilhem ARMAND: Le surnaturel à la fin des Lumières: entre science et magie
Si les Lumières (dans la lignée du libertinage érudit) ont contribué à une nouvelle appréhension du surnaturel, encadré alors par une réflexion philosophique et scientifique, ce domaine, tout comme le discours qui l’aborde, n’en reste pas moins ambigu. La deuxième moitié du XVIIIe siècle est riche de ces textes tels que ceux de Benoît de Maillet ou de Tiphaigne de La Roche qui, à la suite de l’exemple de Fontenelle, adoptent un propos et une démarche scientifiques sous la forme d’une fiction distrayante et qui tendent ou prétendent à une rationalisation du surnaturel. Cependant, l’hybridité même de la forme littéraire choisie contamine en quelque sorte le discours et son objet qui oscille alors entre magie et science, entre fascination esthétique et approche philosophique.
Giovanni BERJOLA: Le surnaturel dans Les Chants de Maldoror de Lautréamont: didactique du mal et écriture de la transgression
De l’aveu même d’Isidore Ducasse, le déchaînement de violence auquel on assiste dans Les Chants de Maldoror procèderait d’une démarche argumentative: il s’agirait, comme il l’écrit dans une lettre à son éditeur, de "chanter le mal" afin "d’opprimer le lecteur, et lui faire désirer le bien comme remède". La démonstration de Ducasse repose sur un double usage de la violence: violence envers les hommes et Dieu d’une part, et violence envers les lois de la nature de l’autre. La didactique du mal et la poésie surnaturaliste se fondent ainsi en une même écriture de la transgression qui, au fond, renvoie à des préoccupations beaucoup plus intimes et propres à l’auteur.
Michel BERTRAND: Relais intertextuels: de la fabrique d'un surnaturel nécrophile à ses réécritures (W. Irving, P. Borel, A. Dumas)
Dans sa préface à La Femme au collier de velours, Hubert Juin relate la genèse singulière de ce texte : pour l’écrire, Alexandre Dumas a réécrit, en demeurant extrêmement fidèle à son modèle, un récit de Pétrus Borel, Gottfried Wolfgang, que "le Lycanthrope" avait lui-même adapté, sous couvert de traduire le texte, de L’Aventure d’un étudiant allemand de Washington Irving. Plusieurs études ont déjà été consacrées à cet étrange "triptyque" conçu sur le mode du leurre. Il me semble intéressant d’en proposer un approfondissement en mettant l’accent sur les variations du traitement narratif, esthétique et symbolique (composition et écriture du texte, mais aussi inclusion au sein d’un recueil de récits fantastiques) que les différents ouvrages font subir au motif de la femme décapitée. Il permet, en effet, d’associer dans le texte de Dumas un thème propre au roman noir et une mise en perspective historique puisque le récit se situe lors de la période de la Terreur. Enfin, l’association étroite d’Eros et de Thanatos dans la construction de l’intrigue fictionnelle permet sur le plan psychanalytique d’apporter un éclairage singulier sur l’inconscient tant individuel que collectif qui préside à la fabrique de ce surnaturel et à ses réécritures.
Anne-Marie CALLET-BIANCO: De l'usage du surnaturel dans le roman historique: l'exemple d'Alexandre Dumas
A priori, le roman historique n’est pas le terrain de prédilection du surnaturel. À l’époque romantique, sa vocation essentielle est de faire revivre une époque par le biais de personnages de fiction. L’exigence historique et l’exigence dramatique y connaissent une perpétuelle tension ; à la première, censée privilégier le réalisme, s’oppose la seconde, explorant volontiers d’autres modes d’explication de l’Histoire, parfois par le biais du surnaturel. Chez Dumas notamment, rêves, visions et prédictions scandent la marche d’une Histoire incertaine, frôlant de près la légende. Mais le surnaturel peut aussi se faire l’instrument d’un discours idéologique et affirmer le vide d’un monde désenchanté en même temps que l’absurdité de l’Histoire.
Isabelle CASTA: De l'homme sans nom à l'homme sans nez: les figures du malheur chez Gaston Leroux
« Le fantastique, chez Leroux, ne se manifeste pas que par la distorsion des apparences, le détournement de la fonction des objets ou l'extravagance des situations ; il intervient jusque dans la rhétorique : par la manipulation des mots » (1) [Francis Lacassin].
Du possible à l’extrapolation du possible… et même un peu plus loin: Gaston Leroux s’est attaché à tous les genres, et les sous-genres, de l’Etrange et du Fantastique (2), même s'il choisit le plus souvent la voie du surnaturel expliqué; presque toujours, mais PAS toujours: Le Cœur cambriolé (3) reste un pur joyau du "fantastique psychanalytique", qui dans les années 20 dit déjà qu’Eros est un dieu noir et qu'il y a plus de choses au Ciel et sur la terre que dans tout Sigmund Freud ! Entre le Verne du Château des Carpathes — en amont — et le Bioy Casares de L'invention de Morel — en aval —, Leroux s'emploie à dessiner quelques puissantes figures du malheur, certes dominées par Erik, le fantôme. Précisément, en 1910, les spectres ne le sont déjà plus que métaphoriquement, et le fantastique pur des Cazotte et des Potocki laisse désormais place à un questionnement œdipien tourmenté, aux noires superproductions de l'inconscient, cette "interminable et muette réponse sans réponse à une question jamais posée" (4). De l'homme sans nom (Rouletabille) à l'homme sans nez (le fantôme de l'Opéra), tous ont comme Cordélia "froid à leur portrait". Ils ne s'appartiennent plus, et cette (dé)perdition fait du Surnaturel de Gaston Leroux l'une des modélisations de l'aliénation moderne, à commenter ici, bien sûr. Sans doute notre auteur a-t-il, comme Tribulat Bonhomet pour Max Milner "appris à ses dépens qu'il y a plus de vérité dans les yeux obscurs des morts que dans les plus lumineux des microscopes" (5).
(1) Préface de Gaston Leroux, Œuvres, collection Bouquins, Robert Laffont, Paris, 1984, p. 11.
(2) Le Roi Mystère, Le Fauteuil hanté, La Poupée sanglante, l'Homme qui revient de loin... recèlent eux aussi des « zones grises », où la raison s'égare - même si La double vie de Théophraste Longuet évoque davantage ce grand-guignol dont Leroux raffolait.
(3) Nouvelle parue dans Je sais tout, n°170, 15 janvier 1920.
(4) Philippe Lacoue-Labarthe, Portrait de l'artiste en général, Bourgois, Paris, 1979, p. 15.
(5) Max Milner, La Fantasmagorie, PUF, Paris, 1982, p. 201.
Christian CHELEBOURG: Du merveilleux surnaturel au merveilleux chrétien — sur l'émergence de l'esthétique romantique
En se dépouillant, à la fin du XVIIIe siècle, de ses acceptions religieuses au profit d’un usage esthétique, le surnaturel a ouvert la voie à de nouvelles formes d’écriture de l’irréel comme à l’expression d’une spiritualité originale. Nous reviendrons sur les étapes de ce renouvellement à travers les écrits théoriques de Chateaubriand, de Nodier, de Hugo, etc. Ce sera l’occasion de mettre en valeur les limites herméneutiques de notre moderne définition du "fantastique".
Laurent DEOM: Peter Pan ou les enchantements d'un surnaturel désenchanté
Dans la conscience collective, la figure de Peter Pan est souvent associée à un merveilleux enfantin pétri d’innocence et de féerie. Sans doute certaines adaptations de l’œuvre de James Matthew Barrie (celle de Walt Disney, par exemple) ont-elles encouragé ce type de lecture. Cependant, le retour au texte original invite à davantage de circonspection à cet égard. On montrera ainsi que, sous un enchantement de surface, le Peter Pan de Barrie se révèle en fait assez désenchanté, et n’hésite pas à dévoiler la dimension factice d’un surnaturel qui annonce les conceptions modernes de la performativité et de la fiction.
Antoine FAIVRE: « Eloquence magique » ou mondes de l'au-delà révélés par le magnétisme animal: au carrefour du Romantisme, de courants ésotériques et de la littérature fantastique (première moitié du XIXe siècle)
Un des aspects de la pratique du magnétisme animal dans la première moitié du XIXe siècle est l’apparition, chez certains sujets en état de transe, de discours décrivant soit la vie sur d’autres planètes, soit, plus souvent et dans une lumière de christianisme, des mondes situés entre la divinité et le nôtre, peuplés d’entités, angéliques ou autres. Il s’agira de situer dans ses contextes historiques ce type de discours (auquel j’ai donné le nom d’"éloquence magique"):
1- Les thèmes et les motifs développés par nombre d’entre eux sont fréquemment ceux de la production théosophique de l’époque.
2- Le genre d’écriture qui les caractérise a exercé son influence sur la formation de la littérature dite fantastique au sens classique du terme.
3- La plupart du temps le magnétiseur est un médecin, dont les procès-verbaux font ensuite l’objet de commentaires contrastés au sein de la communauté scientifique, ce qui constitue un chapitre, non des moindres, dans l’histoire du développement de la psychiatrie dynamique.
Daniel FONDANECHE : Le fantastique "fin de siècle": l'univers de Maupassant
Chez Maupassant, l’esprit "fin de siècle", marqué par la déliquescence, est sans doute beaucoup plus présent que le véritable "fantastique", c’est, du moins, ce qui se dégage de la lecture des Contes cruels et fantastiques de l’édition de Marie-Claire Bancquart. Parmi les cinquante-sept textes choisis pour cette édition, très peu de "nouvelles fantastiques", mais une tonalité, des passages fantastiques et surtout un attrait pour le surnaturel qui demandent à être étudiés de plus près car nous sommes souvent beaucoup plus proche du "gothique" que du "fantastique".
Myriam KISSEL: Le Double de Dostoïevski: une énigme narrative entre surnaturel et folie
Le Double, poème pétersbourgeois est une longue nouvelle qui a suscité, dès sa parution en 1846, la perplexité des contemporains de Dostoïevski: plagiat, satire sociale, histoire d’une folie, voire étude psychiatrique? Si l’on voit dans ce texte l’influence évidente d’Hoffmann et de Gogol, cependant Le double est clairement, chez lui, un thème majeur dans l'œuvre de Dostoïevski. Le lecteur moderne, à la lumière de la psychanalyse, est peut-être mieux à même de situer ce texte surprenant à l’intérieur des catégories que recouvre le terme de surnaturel. Sans donner de réponse univoque, nous tenterons de proposer quelques lectures du Double grâce aux notions de surnaturel, d’irréel, de fantastique, et de pathologie (paranoia).
Stéphane LE COUËDIC: Poème et prose et surnaturel
Les premiers poèmes en prose semblent en partie accompagner l’arrivée des surnaturels anglais et allemand dans notre littérature. De ses origines jusqu’au symbolisme, nous tenterons d’établir les liens entre ce genre naissant, encore peu codifié, et le surnaturel tel qu’il peut se manifester à l’époque. Sans examiner son statut de genre, nous pourrons voir les interférences possibles et/ou réalisées entre le poème en prose et le surnaturel.
David MARTENS: Fantastique et problématique identitaire chez Villiers de l'Isle-Adam
Les écrits de Villiers de l'Isle-Adam comptent parmi les sommets du fantastique en langue française. Cet aspect de l'ouvre constitue l'un des principaux points d'intérêt de la critique. Reste qu'un travail de fond concernant cet écrivain, (trop) peu étudié en général, manque encore. Nous tenterons de rattacher la "veine fantastique" qui parcourt les textes de l'auteur au questionnement identitaire qui s'y met en œuvre. Il s'agira de s'interroger sur les différentes facettes du fantastique pratiquées par cet écrivain en les confrontant avec l'inscription historique et psychique singulière d'un sujet "en réaction" à ce qu'il tient pour l'esprit dominant de son époque.
Serge MEITINGER: Du surnaturel selon Mallarmé
Au sortir de sa crise métaphysique et ontologique de 1866-69, Mallarmé a déclaré, à l’un de ses correspondants, avoir terrassé "ce vieux et méchant plumage", Dieu. Il se fait aussi volontiers le contempteur du "rêve" et de la fantaisie gratuite, ennemis de la charge poétique. Pourtant sa quête ne reniera jamais l’absolu ni le mystère ontologique de notre présence au monde ni le pouvoir de l’imagination créatrice et révélatrice. Mieux, sa poésie, tout entière attachée au travail de la langue sur elle-même, ne cesse de traquer par la recherche systématique du "miroitement en dessous", comment l’être même de ce qui est et la "preuve" éclatante de la qualité insigne propre à notre terrestre séjour affleurent et brillent en un chiffre lumineux et énigmatique, réel et "inventé", qui n’en finit pas de se fixer dans le miroir des mots. Par la lecture imaginale du quatuor des sonnets majeurs (Quand l’ombre menaça…, Le vierge, le vivace…, Victorieusement fui…, Ses purs ongles très haut…), rejoignant les intentions mêmes du Coup de dés, nous nous proposons de mettre en valeur comment l’évocation, l’invocation de la "nature" même de l’être rejoint une manière de "surnaturalisme" (ou de "supernaturalisme") où la présence humaine rime avec le cosmos en une radieuse immanence.
Maryse PETIT: Derrière la nuit... à propos de Maurice Maeterlinck
Où dehors et dedans s’intervertissent et s’interrogent, où surface et souterrains se font signe, afin que, de cette confusion des espaces, naisse l’interrogation sur les destins et les intimités, afin que s’effacent les choses visibles pour que les esprits se montrent au jour...
Jean-Michel RACAULT: Un crépuscule des Lumières? Les ambiguïtés idéologiques du surnaturel diabolique chez Cazotte et Beckford
"« Sapere aude », aie le courage de te servir de ta propre intelligence ! Voilà la formule des Lumières". La célèbre formule de Kant est-elle illustrée ou contestée par la naissance du récit fantastique dans les années 1770-1800? Le diable, présent dans tous les textes, doit-il être compris comme la figuration parodique de superstitions périmées ou comme l’affirmation de la réalité du Mal au cœur de la modernité? Le retour du négatif qui caractérise la littérature de la fin du siècle marque-t-il l’ultime combat de la Raison contre l’Infâme ou au contraire la critique insidieuse de l’orgueil du savoir et du "désenchantement du monde" induit par le prétendu triomphe des Lumières? On se propose de mettre en évidence l’extrême ambiguïté idéologique des grands textes fondateurs du genre fantastique que sont Le Diable amoureux de Cazotte, Vathek de Beckford, Le Moine de Lewis et Le Manuscrit trouvé à Saragosse de Potocki.
Marie RASONGLES: "La réalité du surnaturel" — Esthétique de Théophile Gautier
Qu’il s’accorde aux croyances populaires ou se plie aux exigences d’une esthétique de perfection, le surnaturel gautierien sert perpétuellement la construction d’un idéal suprasensible. La femme sublimée procède d’un univers supérieur, affranchi de toutes contingences naturelles, que seule l’écriture du fantastique permet de rejoindre. Sur-réalité, chimère de temps et chimère d’espace, le travail sur le surnaturel s’impose comme principe exclusif à l’expression accomplie d’un éternel féminin. Au-delà du réel, et plus singulièrement au-delà du réalisme de ses récits, l’idéal relève toujours d’un ordre supérieur en marge de toute loi naturelle, véritable ou fictive.
Noro RAKOTOBE-D'ALBERTO: Le Dieu d'Alfred de Vigny
L’inspiration biblique de Vigny nous livre l’essentiel de ses plus célèbres et plus beaux vers parmi lesquels on peut compter ceux de Moïse, du Déluge, d’Eloa, du Mont des Oliviers. Son univers tourmenté, en proie au mal, à la souffrance, à la solitude et à l’enfermement met en scène le personnel d’un monde surnaturel riche en couleur, émouvant et profondément fragile. Ce qui devrait relever de l’absolu, de la transcendance s’avère en dernière analyse profondément humain. Vigny forge notamment l’image, très personnelle, d’un Dieu dont il n’a gardé que les traits négatifs outrés de l’Ancien Testament. C’est un Dieu jaloux, belliqueux, vengeur. Il lui adjoint quelques traits des Dieux antiques tels qu’ils pourraient être vus par Lucrèce. C’est un Dieu sourd au sort de sa créature. Et pourtant, dans ce monde qui a soif de révélation, qui garde un besoin lancinant de transcendance, la divinité qui a déserté les cieux reste présente. Au-delà de la figure du Poète qui, selon la fameuse formule de Stello reprise dans Chatterton, « cherche aux étoiles quelle route nous montre le doigt du Seigneur », où est passé le divin? Dans le monde pessimiste, marqué par le désespoir, dressé par Vigny, nulle rédemption, nul rachat ne sont-ils réellement possibles?
Jérôme SOLAL: Grandeur et décadence: l’élixir de vie selon Balzac et Lermina
Lecteur de Balzac et de son Elixir de longue vie, Jules Lermina reprend cette histoire d’énergie extraordinaire dans un contexte culturel qui a profondément changé. On nage alors en pleine fatigue fin-de-siècle. Dans la nouvelle balzacienne, le surnaturel empruntait les voies de la fantaisie et du grotesque les plus débridés: l’impossible ne faisait pas peur. Chez Lermina, à grand renfort d’alibis scientifiques, le goût de l’enquête romanesque tente d’accommoder le surnaturel au possible, au positif, au relatif.
Vincent TAVAN: Le vampire amoureux. Eléments pour une poétique du désir romantique
Si le Dracula de Bram Stoker se lit encore comme l’archétype même de la figure du vampire, la littérature romantique a également abordé le phénomène, près d’un siècle plus tôt, sous la notable influence du roman gothique. La représentation vampirique est constamment liée à l’idée de possession amoureuse, ainsi que dans les tableaux de Füssli sur le cauchemar. L’ensemble du commerce avec les spectres de la nuit (incubes, succubes ou sylphes) s’inscrit dans un scénario fantasmatique conduisant à l’assouvissement d’un désir bestial. Le vampire, tel qu’il est imaginé par John-William Polidori, et tel qu’il influence le romantisme français, de Charles Nodier à Alexandre Dumas en passant par Théophile Gautier, constitue une figure tutélaire parmi les démons nocturnes. Gothique, frénétique ou romantique, il incarne la fascination de la chair alliée à une pulsion morbide. Amoureux, son désir se mue, dans l’imaginaire littéraire, en une manifestation orgiaque et monstrueuse.
Fabrice WILHELM: Le pacte avec le Diable dans La Comédie humaine
En tentant de mettre en évidence les enjeux inconscients du motif du pacte avec le diable tel qu’il apparaît dans de nombreux romans de "La Comédie humaine", on s’interrogera sur l’apport balzacien à la psychologie des profondeurs et notamment sur la question de la métapsychologie balzacienne évoquée naguère par F. Pasche.