RÉSUMÉS :
Diane ARNAUD: La série télévisuelle,
force de libération dans l’institution créatrice de Lars von
Trier
Cette intervention a pour visée de montrer comment la série
télé a renouvelé la création du metteur en scène
danois Lars von Trier en constituant un champ d’expérimentation et
de libération. Le "break" créatif, entre les premiers films
formalistes et ironiques (
The Element of Crime, Epidemic) et les
œuvres récentes réalistes et mélodramatiques (
Breaking
the Waves, Les Idiots) peut s’expliquer par la confrontation de l’univers
du cinéaste avec la réalisation télévisuelle.
Sa série fantastique, "
L’hôpital et ses fantômes"
(The Kingdom), commencée en 1994, a permis un resserrement sur le
jeu des acteurs à partir d’une direction moins inféodée
au modèle de représentation théâtrale. Les personnages
continuent d’évoluer hors-champ et impulsent une force dynamique à
l’éclatement et à l’ouverture de l’espace filmique. La logique
narrative ne procède plus par emboîtement mais tisse des zones
d’ombre en croisant plusieurs trajectoires linéaires. Le thème
conducteur de cette série encore inachevée, le combat entre
les forces rationnelles du corps médical et les forces occultes des
corps souffrants, doit être également souligné en tant
que conflit majeur entre institution et expression, opposition éclairante
qui a profondément bouleversé la production artistique de
Lars von Trier.
Guy ASTIC: David Lynch au laboratoire
de la série
Twin Peaks est devenu la série majeure des années
1990. Elle a pour maître d’œuvre principal David Lynch. Il ne faudrait
pas, cependant, réduire le réalisateur de
Lost Highway à
ce seul travail en ce qui concerne le format sériel. Lynch a toujours
vu dans la série la possibilité de développer sur le
long cours son approche esthétique et artistique vouée aux
tensions du tout et de la partie, au va-et-vient des formes, aux ruptures
de tons, aux tiraillements figuratifs, à l’effilochage du lien narratif.
De
On the Air à
Hotel Room, sans oublier
Mulholland
Drive (long métrage qui est à l’origine le pilote d’une
série programmée sur ABC), le cinéaste intensifie par
et dans la mise en série l’absence du repos des apparences et sa
poétique du pli… autant d’aspects qui seront précisés
lors de l’intervention avec extraits à l’appui.
Séverine BARTHES: Rhétorique
et sérialité: le cas d'Oz
L'étude des séries télévisées à
l'aide de la rhétorique ouvre des pistes fécondes.
Le cas
d'Oz est, selon cet axe, fort intéressant: l'étude de
l'argumentation intradiégétique montre une disproportion entre,
d'une part, le discours délibératif et le discours épidictique
et, d'autre part, le discours judiciaire. L'argumentation extradiégétique,
sous sa forme la plus explicite, passe par le narrateur et le générique.
Cependant, elle se caractérise aussi par des phénomènes
de reprises et de citations et par la construction d'un suspense propre
à l'aspect feuilletonnant de la série, qui ont essentiellement
une force parlocutaire de prise de décision de visionnage. Tout cela
concourt à formuler l'hypothèse d'un "pacte de visionnage"
dont les fondements seraient rhétoriques.
Stéphane BENASSI: Du récit
sans fin à la fin du récit
Depuis quelque temps, nous assistons à l’émergence de fictions
à suite pouvant apparaître comme des compromis presque "parfait"
entre la série et le feuilleton. Bien que ces formes fictionnelles
hybrides ne soient pas totalement nouvelles et remontent aux années
soixante, il semble intéressant d’observer de quelles façons
elles tendent aujourd’hui à se diversifier et à se complexifier,
allant même jusqu’à bouleverser les codes classiques du récit
audiovisuel. Nous montrerons que les fictions télévisuelles
actuelles peuvent se répartir dans au moins six genres fictionnels
distincts (déterminés en fonction du degré de mise en
série et de mise en feuilleton de leurs structures narratives), qui,
sous des allures de récits sans fin, annoncent peut-être la
fin du récit.
Pierre BEYLOT: De Scorsese aux Sopranos,
une vision nouvelle de la Maffia
La série de David Chase tranche sur le reste de la production policière
par la manière dont elle présente l'univers du crime, non
pas du point de vue des représentants de la loi, mais de l'intérieur,
du point de vue des maffieux eux-mêmes. La principale innovation de
la série consiste à montrer le quotidien des maffieux, présentés
comme des individus ordinaires avec leurs problèmes de couple, de
rapports entre générations, leurs crises existentielles, etc.
Le boss de la maffia n'est plus un dur inébranalable, mais un individu
complexe, à la fois imposant et fragile, entouré de personnages
qui, eux-mêmes, échappent en grande partie aux stéréotypes.
Cette transformation de la vision traditionnelle de la Maffia n'est pas
une simple évolution du traitement de la thématique du crime,
mais témoigne plus profondément, d'un déplacement des
frontières du genre policier à la télévision (croisé
ici avec la série familiale et enrichi d'une dimension psychologique
rare dans ce type de productions). Plus qu'à une comparaison avec
d'autres séries consacrées au monde la Maffia, je voudrais me
livrer à une mise en parallèle avec la représentation
qu'en offre le cinéma américain depuis le début des années
70, chez Coppola et Scorsese notamment. Les Sopranos me paraissent en effet
plus liés à ces sources cinématographiques qu'ils transposent
sur un mode moins tragique. Je voudrais donc m'interroger dans une perspective
à la fois narratologique et pragmatique, d'une part, sur la transposition
du mythe cinématographqiue du maffioso construite par le cinéma
américain dans une forme télévisuelle fondée
sur la sérialité impliquant un autre rapport à la temporalité
et au récit. D'autre part, sur le type d'investissement spectatorial
généré par cette série qui renvoie à toute
une série de références intertextuelles.
Vincent COLONNA & Pierre GAILLARDON:
Un gars, une fille, le comique du couple
Adaptée du programme canadien
Love bugs, diffusée
depuis octobre 1999 sur France 2, juste avant le J.T. de 20 H, la série
comique
Un gars, une fille n'a pas toujours connu la popularité
qui est la sienne aujourd'hui: six millions de téléspectateurs
chaque soir et, en 2001, le sept d'or du meilleur divertissement. Dans sa
première saison, son audience éait médiocre, — malgré
une thématique conventionnelle, la série déroutait par
son format court (5 à 7 mn), l'audace de ses cadrages et de sa narration,
son rgistre transgressif.
La série s'est-elle assagie ou, au contraire, le public s'est-il
habitué à ses audaces? L'évolution d'
Un gars, une
fille, avec l'analyse de son originalité formelle et sa place dans
le "système" des genres télévisuels (quelque part entre
les sitcoms et le comique burlesque d'un Mr Bean): voilà l'objet de
notre communication. A l'horizon de cette étude: la poétique
(au sens d'Aristote) des genres télévisuels, le registre comique
et la spécificité de cette situation pragmatique singulière
que produit la Télévision.
Référence Bibliographique :
Vincent COLONNA, Ma vie transformiste, roman, Tristram éditions,
2001.
Carmen COMPTE: Influence des Soap
Opéra sur les stratégies narratives des séries
télévisées
Ancré profondément dans une tradition littéraire picaresque,
le feuilleton à épisodes a réussi à traverser
les différents styles de supports (journal, radio, cinéma,
télévision) en trouvant, à chaque étape, les spécificités
d'écritures qui caractérisent le média utilisé.
Cette adéquation avec des contraintes techniques du petit écran
a fait de ce format un modèle de rhétorique télévisuelle
dont le succès (à long terme et sur une très large audience)
permet de comprendre son influence sur des séries du "prime time"
apparemment aussi différentes que
Hill Street Blues, NYPB,
P.J., Ally Mc Beal, Avocate & Associates, ou
Urgences. En
jouant sur les stratégies narratives, on assiste à un basculement
du récit vers une focalisation sur des relations interpersonnelles
dans une sorte de huis clos qui tient par un minutieux travail technique
que nous tenterons de mettre en évidence.
Ute FENDLER: Commissaires femmes vs. Commissaires
féminins. Analyse comparative de séries allemandes et françaises
Conflits sociaux, groupes marginalisés, la représentation
de l'ordre social et public, la relation entre individu et société:
la série policière avec ses protagonistes — le commissaire
et le criminel — est censée être le miroir de la société.
Ce lien étroit entre la société et le genre policier
peut être mieux cerné en comparant des séries de provenance
culturelle différente, car grâce à une approche comparatiste,
les spécificités des sujets abordés autant que les caractéristiques
des représentations de l'ordre se dessinent sur le plan d'un modèle
différent.
Cette communication propose donc d'analyser des séries policières
allemandes et françaises. Vu la présence croissante de femmes
commissaires sur le petit écran dans les deux pays voisins, l'accent
sera mis sur la question de l'acceptation réciproque des séries,
le changement rapide de ces représentations de femmes commissaires
qui semble coïncider avec un changement d'esthétique filmique
parallèle.
Henri LARSKI: Le Caméléon,
de la recherche identitaire à la cohérence d'un univers fictionnel
référentiel
On envisagera le Caméléon pour ce qu’il est: le récit
d’une quête individuelle tant pour le héros que pour les personnages
qu’il aide ou qui le poursuivent. Or, cette recherche identitaire suppose
un déplacement constant dans l’espace géographique des Etats-Unis.
Allégoriquement, c’est donc aussi la quête de tout un peuple
qui manque de repères historiques et géo-politiques. A l’instar
de son personnage central, la construction narrative de la série (ou
feuilleton?) se fonde sur le changement, la transformation. Un schéma
apparemment classique du récit sinon qu’il s’inscrit dans la durée
et dans l’évocation systématique de séries ou de films
américains marquants: on montrera donc que le monde diégétique
du Caméléon est un lieu d’expérimentation sur la stratégie
narrative, sur la notion de genres et sur la représentation "du monde
réel" par le filtre déformant du petit écran.
Anne ROCHE: Les insertions fantastiques dans
quelques séries réalistes
La plupart des séries télévisées appartiennent
à un genre défini (série policière, fantastique,
science-fiction...). On constate néanmoins que les plus intéressantes
s'emploient à brouiller la frontière des genres, en faisant
appel systématiquement à l'intertextualité, et en insérant
dans une trame donnée des éléments qui ne devraient
pas lui appartenir.
C'est ainsi qu'une série policière comme
Tandem de choc
(Canada/USA), globalement réaliste, n'en insère pas moins de
façon récurrente des motifs fantastiques ou surnaturels (le
spectre du père). Même constat pour une série "pour adolescents"
comme
Parker Lewis ne perd jamais. On montrera, à partir de
ces exemples et de quelques autres, comment l'insert fantastique relève
d'une esthétique que l'on peut qualifier de baroque — ou de post-moderne.
Marie-Claude TARANGER: De la série
au film: le cas de Mission Impossible
La télévision a longtemps exploité les succès
du cinéma. Depuis quelques années, le courant s'est au moins
en partie inversé et le grand écran a vu se multiplier les
adaptations de séries-cultes. A partir de l'analyse de quelques
exemples de telles adaptations (
Mission impossible, X-File, Chapeau melon
et bottes de cuir...), on en étudie les conditions (choix des réalisateurs,
acteurs, scénarios, budgets...) et les résultats: le film de
cinéma est-il un épisode parmi d'autres? sinon en quoi se distingue-t-il?
y a-t-il des lois? La dynamique de l'intertextualité conduit ici à
une réflexion fructueuse non seulement sur les objets (les séries,
les films), mais aussi sur la logique des médias (télévision,
cinéma).
Pamela TYTELL: La psychanalyse: de la Dallasothérapie
à Dr. Jennifer Melfi
Depuis les années 1980, et la diffusion de la série
Dallas,
certaines séries télévisées américaines
sont devenues des outils thérapeutiques permettant aux psychanalystes
ou aux psychothérapeutes de résoudre des problèmes individuels
et d’entrer dans le monde fantasmatique de leurs patients. En effet, ceux-ci
s’approprient des comportements observés à l’écran ou
évoquent plus facilement une identification à un personnage
de fiction qu’une identification à une personne réelle de
leur entourage.
D’abord, on tentera de comprendre le fonctionnement de l’identification
entre le téléspectateur et le personnage de fiction dans une
série télévisée. Il sera également question
de l’identification dans la série
Friends et de l’évolution
du rôle des personnages féminins dans
Dallas,
Dynasty,
Falcon Crest,
Ally McBeal et
Sex and The City.
Ensuite, on se penchera sur le cas du psychanalyste comme personnage, à
part entière, dans les séries télévisées
suivantes:
Dr. Katz: Professional Therapist,
Frasier,
Ally
McBeal et
The Sopranos. De même, on évoquera la
façon dont Dr. Jennifer Melfi — la psychanalyste de Tony Soprano
dans la série
The Sopranos — est perçue par la communauté
psychanalytique américaine.
Enfin, on refléchira sur la confusion entre réalité
et fiction dans des séries diffusées actuellement.