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DU LUNDI 20 JUILLET (19 H) AU JEUDI 30 JUILLET (14 H) 2009



COMMENT RÊVER LA SCIENCE-FICTION À PRÉSENT ?


DIRECTION : Danièle ANDRÉ, Daniel TRON, Aurélie VILLERS

ARGUMENT :

La science-fiction serait-elle moribonde? Elle est moins populaire que la Fantasy. Mais surtout, elle peine à se renouveler, tant du point de vue du contenu que de la forme (rien de bien nouveau depuis le Cyberpunk ou le Steampunk, oubliées les expérimentations d’un Ballard ou d’un Dick). L’avenir du genre sera-t-il assuré?

Ce colloque tente de dresser un constat de l’état de la SF contemporaine en abordant, sans exclusive, tout en favorisant une approche pluridisciplinaire, les interrogations suivantes. La SF peut-elle prolonger son existence en rejouant de vieux mythes dans des contextes futuristes? Peut-elle trouver des sources de régénération dans de nouveaux supports et/ou dans des civilisations ou aires géographiques autres que celles qui ont produit les chefs-d’œuvre de son âge d’or? Comment le processus d’hybridation avec d’autres genres l’a-t-elle transformée? D’où proviennent les nouveaux modèles? L’hybridation est-elle le signe d’un renouveau ou au contraire le symptôme d’une crise profonde?

CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 20 juillet
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, des colloques et des participants


Mardi 21 juillet
Matin:
Roger BOZZETTO: Crises dans l'univers de la SF?
Isabelle LIMOUSIN: Installation, science-fiction et utopie: l’autre monde de Dominique Gonzalez-Foerster

Après-midi:
Yann CALVET: C'était demain...
Isabelle CASTA: Quand les raisons de craindre sont les raisons d’espérer: l’hypothèse science-fictive


Mercredi 22 juillet
Matin:
Isabelle PERIER: Dan Simmons ou "Que se passe-t-il lorsque la science-fiction rêve de littérature?"
Jérôme DUTEL: Evaluation et évolution de la science-fiction contemporaine à travers Lupus (2002-2006) de Frederik Peeters

Après-midi:
Natacha VAS-DEYRES: Quand l'utopie s'éveillera dans la science-fiction française contemporaine
Yannick RUMPALA: Ente anticipation et problématisation: la science-fiction comme avant-garde


Jeudi 23 juillet
Matin:
Sylvie A. ALLOUCHE: Prolégomènes à toute science-fiction future qui voudra se présenter comme science
Marc ATALLAH: Pour une "esthétique de l’inversion structurelle": l’avenir n’est sombre qu’en regard d’un présent aveugle

Après-midi:
DÉTENTE


Vendredi 24 juillet
Matin:
Thierry JANDROK: Whitley Strieber: dogmatisme ou science-fiction?
Juan Ignacio MUNOZ: Le cyberpunk vernaculaire de l’Amérique Latine: dystopies, virtualités

Après-midi:
Claude ECKEN: La science-fiction se dilue-t-elle dans le présent?
Lauric GUILLAUD & Thierry JANDROK: Le mythe des Extra-terrestres
Lecture de Claude ECKEN: Etat des lieux de la science-fiction au XXIème siècle


Samedi 25 juillet
Matin:
Sylvie BÉRARD: L’univers science-fictif d’Elisabeth Vonarburg ou la mise en scène du rêve
Margaret GALVAN: "To Boldly Go Where No Man... Exists": enquête sur la liberté grandissante des femmes en science-fiction

Après-midi:
Anne BESSON: La science-fiction dans la culture de masse contemporaine: un monde à part?
Conférence performative de Mael LE MÉE: L'Institut Benway


Dimanche 26 juillet
Matin:
Table Ronde avec Sylvie BÉRARD et Mael LE MÉE
Maryse PETIT: J.-M. Truong: juste un temps d'avance

Après-midi:
Anne KUSTRITZ: Eugénisme postmoderne: l’avenir de la politique reproductive et de la pensée raciale en science-fiction


Lundi 27 juillet
Matin:
Aurélie VILLERS: Récits analeptiques et distanciation cognitive temporelle dans la série Lost
Lauric GUILLAUD: Le cycle Indiana Jones: les limites de l’hybridité générique

Après-midi:
DÉTENTE


Mardi 28 juillet
Matin:
Laura HILTON: Le futur est dans le passé: la science-fiction gothique contemporaine dans la bande-dessinée steampunk
Gilles MENEGALDO: La guerre des mondes, trois variations d'un paradigme

Après-midi:
Carole LIPSYC: Récits variables
Giovanni BERJOLA: Le cinéma japonais contemporain de science-fiction
Benjamin THOMAS: Le cinéma de science-fiction japonais et la fonction politique de l'art


Mercredi 29 juillet
Matin:
Adela CORTIJO: Ars et natura dans le devenir du Cyberpunk. Le bestiaire d'Enki Bilal
Christian CHELEBOURG: Y’a plus de saisons, ma pauv'dame ! Les écofictions du réchauffement climatique

Après-midi:
Sophie LÉCOLE-SOLNYCHKINE: Du paysage-image au faire-paysage, représentations paysagères dans la SF et paysagisme contemporain
Discussion ecofiction: WALL-E


Jeudi 30 juillet
Matin:
Conclusions

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Sylvie A. ALLOUCHE: Prolégomènes à toute science-fiction future qui voudra se présenter comme science
Nous nous proposons de rêver ici la science-fiction comme science, par l’examen partiellement fictionnel des conditions de possibilité de la constitution d’une science systématisant la procédure d’exploration narrative des mondes possibles que nous admettons comme caractéristique du genre. Partant principalement de trois hypothèses relatives aux rapports de la science-fiction, des mondes possibles et de la connaissance, nous y appliquons récursivement la procédure mentionnée plus haut en la couplant aux concepts de prospective philosophique tirés des Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science de Kant et d’Histoire et méthodologie des sciences de Lakatos. Le corpus science-fictionnel est constitué d’œuvres imaginant des sciences qui satisfont à certains axes du programme ainsi mis en lumière, comme l’exploration des futurs possibles ou la reliaison de toutes les sciences, par exemple Fondation d’Isaac Asimov ou La Faune de l’espace d’A. E. Van Vogt.
Cette communication bénéficie du soutien du Cluster de recherche ERSTU (Enjeux et représentations de la science, de la technologie et de leurs usages), mis en place et soutenu par la région Rhône-Alpes.

Marc ATALLAH: Pour une "esthétique de l’inversion structurelle": l’avenir n’est sombre qu’en regard d’un présent aveugle
D’inspiration interdisciplinaire, ma communication aura pour objectif l’analyse des relations qui se font jour entre le processus — réflexif — de la conjecture science-fictionnelle et l’imaginaire — prospectif — de la technoscience: alors que celui-ci dit aujourd’hui en inventant, ostensiblement, demain, celui-là, écrit demain pour dire, subrepticement, aujourd’hui. Or, une telle "inversion structurelle" est la chance — peu étudiée jusqu’à présent — d’une esthétique propre à la littérature de science-fiction: le cognitive estrangement, comme l’appelait Darko Suvin, a par exemple trop souvent été décrit par sa seule fonction philosophique, au détriment de ses atouts strictement littéraires — ce qui a de quoi étonner, puisque ce concept est originellement construit par Bertolt Brecht pour caractériser l’esthétique propre à son théâtre. Pourtant, mettre à distance une contemporanéité opaque, c’est instituer une réflexion et une esthétique novatrices — l’une ne pouvant être pensée sans l’autre; c’est à l’étude de cette consubstantialité que je me confronterai et ce, au travers d’un exemple fédérateur: le roman d’Andreas Eschbach, Le Dernier de son espèce.

Anne BESSON: La science-fiction dans la culture de masse contemporaine: un monde à part?
A partir de deux ouvrages de hard science récemment traduits, le recueil Axiomatique de Greg Egan et Rainbow’s End de Vernor Vinge, nous montrerons que la science-fiction, loin d’être reléguée à une position marginale dans les imaginaires contemporains par la concurrence de la fantasy, en informe au contraire en profondeur les représentations. Elle occupe une place centrale dans la manière dont sont pensés, et décrits, les univers multimédiatiques proposés à la consommation. Le rêve partagé de notre époque, celui d’un autre monde qui soit le nôtre, peut en effet y devenir la matière même de la narration, via l’opération de concrétisation de la métaphore qui caractérise le genre: prise de drogue ou modifications neurologiques chez Egan, extension des technologies du virtuel chez Vinge, en permettent l’exploration, y préparent les esprits...

Roger BOZZETTO: Crises dans l'univers de la SF?
La crise actuelle de la SF est-elle le dernier sursaut d'un genre moribond? La fantasy profite du désamour du public pour les effets des conquêtes de la science et de la technique, et de leurs effets, que la SF magnifiait. Aujourd'hui l'ex-public de la SF se focalise sur les aspects de dangerosité de la science. Le XIXème siècle avait inventé des formes et des figures neuves pour donner un visage à sa modernité. C'est le cas avec Frankenstein (1818) ou avec La machine à explorer le temps (1895). Ces figures s'ancraient sur le nouvel esprit de la Révolution industrielle. Cette imagination spéculative existe-t-elle encore chez nos écrivains de SF? Des espaces neufs sont à inventer, qui semblent faits d'oxymores: l'écologie industrielle, les démocratures, les utopies réalistes, etc... Ce sont des réservoirs d'images à inventer. L'un des atouts de la "fantasy", outre son socle recyclable, c'est la fluidité et le poétique de sa narration alors que la SF, est supposée n'être qu'une "littérature d'idées". Pourtant certains de ses textes offrent parfois au lecteur une séduction par un usage poétique du langage. Ce qu'Ursula Le Guin a réussi aussi bien dans l'univers de Terremer que dans celui de l'Ekumen par exemple. La crise actuelle de la SF est-elle le dernier sursaut d'un genre moribond?

Yann CALVET: C'était demain...
Depuis le début des années 2000, le succès international de films de SF et de Fantasy montre le retour en force d’une forme de mentalité magique rémanente dont il est tentant de dire qu’elle est le contre point d’un rationalisme que le vingtième siècle a fini par transformer en une forme supérieure de cynisme. Chaque époque, chaque période de l’histoire de la SF, adapte ainsi les mêmes histoires de base à ses préoccupations du moment mais depuis septembre 2001 la SF est devenu plus sombre, plus critique vis-à-vis de la civilisation "moderne" capitaliste et des conséquences (sociales, politiques, climatiques...) de la mondialisation.
Cette communication se proposera de réfléchir sur l’imaginaire socio-culturel et mythologique de la SF depuis le début du nouveau millénaire. Quel est le devenir culturel du genre et quel est l’arsenal d’imaginaire qui l’accompagne et même le signale?

Isabelle CASTA: Quand les raisons de craindre sont les raisons d’espérer: l’hypothèse science-fictive
Même si l’affirmation peut sembler paradoxale, on peut tout à fait défendre l’idée que le plus pur écrivain de SF française s’appelle, aujourd’hui, Michel Houellebecq... car il réunit, en particulier dans Les Particules élémentaires et dans La Possibilité d’une île, les ingrédients indispensables à l’élaboration science-fictive: un récit très charpenté, et l’irruption, à la fois motivée et sidérante, d’une thèse scientifique inédite, bouleversant l’humanité tout entière et transformant en profondeur individus et société. Mais l’habillage habituel de la science-fiction (galaxie lointaine, super-pouvoirs ou héros surdimensionnés) fait évidemment défaut, tout comme chez l’autre "grand" de ce début de XXIème siècle, Antoine Volodine. Là, l’imagerie est encore autre, entre le trash à la "Mad Max" et la désespérance de Tarkovski ; nous sommes dans la SF utopique, plus exactement contre-utopique, et les nouveautés sont plus régressives que porteuses d’un quelconque progrès... La confrontation entre le traitement littéraire "haut de gamme" de la SF et ses occurrences actuelles les plus populaires — donc télévisuelles — amène à formuler un certain nombre d’hypothèses: dans Lost comme dans The lost room ou Jericho, l’arsenal SF est toujours au service d’une interrogation éthique, voire eschatologique ; le temps et l’espace, conditions a priori de toute expérience sensible, y sont maltraités, mutants, insaisissables ; les objets, tout comme chez Houellebecq, y acquièrent (ou y retrouvent?) une dimension salvatrice et sacrale — la fameuse "clé" de la Lost Room — et le retournement final ("seul l’amour peut sauver le monde") est perceptible aussi dans les romans cités: mais c’est sur le mode "incapacitant"... C’est à partir de ces deux domaines (romans français versus séries américaines) que j’aimerais construire mon approche ; en clair: comment le rationalisme laïc français rejoint-il la mystique américaine d’une "seconde chance" pour le monde? la science fiction désenchantée de Volodine a-t-elle quelque chose à dire aux errants de Lost? peut-on subsumer une "construction esthétique" commune, qui permette d’architecturer l’offre science-fictive? En conclusion, je m’efforcerais de revenir sur la question des "visualités", en soulignant combien les échanges entre heroic fantasy et science fiction sont à la fois problématiques et prometteurs, et comment l’écriture romanesque française actuelle (Brussolo, Chattam, Musso, Lévy) apprivoise ces engrammes et parvient à les sublimer.

Christian CHELEBOURG: Y’a plus de saisons, ma pauv'dame ! Les écofictions du réchauffement climatique
L'imaginaire représente le temps selon deux grands schémas, l'un cyclique ou agrolunaire, l'autre progressiste et messianique. Le rythme des saisons constitue le modèle du premier; son dérèglement, de quelque ordre qu'il soit, postule une fin des cycles débouchant sur une réalité neuve, autrement dit un progrès. De là, sans doute, le découpage des ères géologiques en tranches volontiers climatiques. Penser le dérèglement du climat, c'est donc substituer à la pensée cyclique une pensée progressiste, si sombre soit-elle; c'est aussi prolonger les angoisses millénaristes de la fin du XXème siècle. Ce sont les rêveries attachées à cette révélation d'un avenir possible que je m'efforcerai de cartographier en me livrant à une synthèse de leurs manifestations tant en littérature (Storm of the Century de S. King, His Dark Materials de Ph. Pullman) qu'en BD (SOS Météores, t. VIII de "Blake et Mortimer") ou en jeu vidéo (SimCity de Will Wright, 1er épisode), tant que dans les séries télévisées (K-Ville, Tsunami, Jericho) que dans le cinéma de fiction (Peut-être de C. Klapisch, The Day after Tomorrow de R. Emmerich, Twister de J. de Bont, The Avengers de J. S. Chechik) ou le documentaire (An Inconvenient Truth d'Al Gore, Earth d'A. Fothergill). Plusieurs topiques devraient se dégager: un nouveau complexe de Cassandre prolongeant la vague millénariste une conception darwinienne de l'homme comme espèce dépendante de son milieu ; une inversion de l'histoire conduisant du cosmos au chaos; une représentation du climat comme arme du châtiment, comme figure de la fatalité, conduisant à une proximité des discours savant et religieux sur le sujet. Ce sera l'occasion de confronter la science-fiction à la science et de constater son adhésion globale au discours dominant. On verra que ce phénomène induit naturellement une poétique de l'illustration qui tend à rapprocher la fiction du documentaire, quitte à les confondre dans un docu-fiction comme Paris 2011 - La Grande Inondation de Bruno Portier. Ce faisant, la science-fiction contemporaine tend à revenir aux sources du genre, puisque cette option était aussi celle de Jules Verne par exemple. On verra également que la SF climatique renouvelle les codes de l'héroïsme dans la mesure où les fictions de la catastrophe écologique remplacent les traditionnels affrontements entre forces ennemies par une prise de conscience de la responsabilité humaine invitant tout un chacun à ne lutter que contre lui-même. La cosmologisation de l'héroïsme apparaît du même coup indissociable de son intériorisation. Au fond, le discours scientifique sur le réchauffement climatique et les presciptions qu'il induit peuvent apparaître comme une forme de propagation sociale de l'esprit romanesque de la SF: grâce à eux, l'héroïsme commence avec le tri sélectif des ordures ménagères.

Adela CORTIJO: Ars et natura dans le devenir du Cyberpunk. Le bestiaire d'Enki Bilal
Le cyberpunk surgit en tant que réponse à l’imposition extensive de nouvelles technologies, qui semblaient faciliter la vie quotidienne mais, qu’en contrepartie, exerçaient un pouvoir de contrôle sur l’individu. La percussion dans la société des avances scientifiques, réelles ou imaginaires, est perçue d’une manière négative, nuisible et sinistre. L’ère cybernétique et les perfectionnements informatiques produisent des dystopies post-industrielles où prolifèrent les marginalités sociales. La paranoïa, les limites flous entre le réel et le virtuel, se déploient dans une ambiance noire, similaire à celle du hard-boiled américain. Une science-fiction avec une touche de Chandler et de Métal Hurlant, que nous analyserons sous l'optique de la bande dessinée. En concret, sur la présence angoissante d'animaux insolites dans les univers créés dans les bandes dessinées de Moebius et d’Enki Bilal.

Jérôme DUTEL: Evaluation et évolution de la science-fiction contemporaine à travers Lupus (2002-2006) de Frederik Peeters
A travers le "roman graphique" Lupus (une œuvre nommée en 2004, 2005 et 2006 pour le prix du meilleur album au Festival d’Angoulême pour ses trois premiers épisodes et élue "Essentiel d’Angoulême" en 2007 pour son dernier volet) de l’auteur suisse Frederik Peeters (1974-...), il est possible de discerner comment le médium de la bande dessinée contemporaine peut illustrer aussi bien la continuité d’une certaine tradition poétique de la science-fiction, lieu d’évasion et d’imagination, que son renouvellement. A l’intérieur d’un champ pictural hybride, autant nourri de références littéraires que cinématographiques, Lupus est ainsi une œuvre forcément transtextuelle et intertextuelle où les inspirations formelles et classiques subissent une déformation empreinte d’originalité et de nouveauté. Introduisant une dimension éminemment intime, l’auteur entraîne ainsi la narration de son récit dans une direction bien particulière où les notions d’influence, de déviation, d’évolution et de réciprocité deviennent inévitables et inextricables les unes des autres.

Margaret GALVAN: "To Boldly Go Where No Man... Exists": enquête sur la liberté grandissante des femmes en science-fiction
Bien que la science-fiction soit traditionnellement dominée par les auteurs masculins, c'est également un genre ouvert sur l'exploration de nouveaux mondes et de nouveaux peuples, éléments qui ont suscité l'intérêt de nombreuses féministes pour ce genre. En s'appuyant sur une analyse du genre masculin/féminin, informée par Gender Trouble de Judith Butler et Female Masculinity de Judith Halberstam, cette étude va explorer la manière dont les auteurs ont utilisé les mondes science-fictifs peuplés uniquement de femmes pour problématiser le concept de genre ("gender") vu comme un système binaire. Ces mondes aux codes sexués non conventionnels altèrent le sens et la forme que prennent la sexualité et l'identité. Néanmoins, un système patriarcal règne toujours sur les étagères des librairies où le domaine de la science-fiction croule sous le poids des textes produits par des hommes. Qu'en est-il alors du progrès opéré pour abolir cette idée fausse de la binarité du genre ("gender"), si l'on considère que les progrès reconnaissables dans les textes ne sont pas nécessairement transférés dans le monde "réel"?

Références Bibliographiques :

Butler, Judith, "Monique Wittig: Bodily Disintegration and Fictive Sex". Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity. New York: Routledge, 1999. 141-162.
Crowder, Diane G, "Universalizing Materialist Feminism", On Monique Wittig: Theoretical, Political, and Literary Essays. Ed. Namascar Shaktini. Urbana: University of Illinois P, 2005. 63-86.
De Beauvoir, Simone. Le Deuxième Sexe. Paris: Gallimard, 1949.
Donaweth, Jane L., and Carol A. Kolmerten, eds. Utopian and Science Fiction by Women : Worlds of Difference. 1st ed. Syracuse: Syracuse UP, 1994.
Griffith, Nicola. Ammonite. New York: Ballatine Books, 2002.
Halberstam, Judith. Female Masculinity. Durham: Duke UP, 1998.
Hollinger, Veronica, "(Re)reading Queerly; Science Fiction, Feminism, and the Defamiliarization of Gender", Future Females, the Next Generation: New Voices and Velocities in Feminist Science Fiction Criticism. Ed. Marleen S. Barr. Lanham: Rowman & Littlefield, 2000. 197-218.
Jagose, Annamari, "Lesbians Are Everywhere", Lesbian Utopics. New York: Routledge, 1994. 1-24. This text investigates lesbians through literary theory and continues on the footsteps of Butler.
James, Edward, "Utopias and Anti-Utopias", The Cambridge Companion to Science Fiction. Ed. Farah Mendlesohn and Edward James. Cambridge: Cambridge UP, 2003. 219-229.
Larbalestier, Justine, "Absence or Presence", The Battle of the Sexes in Science Fiction. Middletown: Wesleyan Up, 2002. 152-163.
Larbalestier, Justine, Daughters of Earth: Feminist Science Fiction in the Twentieth Century. Middletown: Wesleyan UP, 2006.
Pearson, Carol, "Women's Fantasies and Feminist Utopias", Frontiers 2 (1977).
Russ, Joanna, "Recent Feminist Utopias", To Write Like a Woman: Essays in Feminism and Science Fiction. Bloomington: Indiana UP, 1995.
Russ, Joanna, The Female Man. Boston: Beacon P, 1986.
Russ, Joanna, "What Can a Heroine Do? or Why Women Can't Write", To Write Like a Woman: Essays in Feminism and Science Fiction. Bloomington: Indiana UP, 1995.
Suvin, Darko, "Defining the Literary Genre of Utopia: Some Historical Semantics, Some Geneology, a Proposal and a Plea", Studies in the Literature of the Imagination 6, n°2 (Fall 1973): 121-45.
Suvin, Darko, Metamorphoses of Science Fiction: On the Poetics and History of a Literary Genre. New Haven: Yale UP, 1979.
Wittig, Monique, Les guérillères. Paris: Les Éditions de Minuit, 1969.
Wittig, Monique, Les guérillères. Trans. David Le Vay. New York: Viking P, 1971.
Wittig, Monique, "Some Remarks on Les guérillères", On Monique Wittig: Theoretical, Political, and Literary Essays. Ed. Namascar Shaktini. Urbana: University of Illinois P, 2005. 37-43.
Wittig, Monique, "One Is Not Born a Woman", The Straight Mind and Other Essays. Boston: Beacon P, 1992. 9-20.


Lauric GUILLAUD: Le cycle Indiana Jones: les limites de l’hybridité générique
Dans le quatrième volet de sa série, Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (2008), Spielberg reprend les ingrédients habituels de la saga, en y ajoutant le thème de "l'archéologie fantastique" des années 60-70 ("l'archéologie spatiale"). Cette régression thématique nous conduit à questionner le devenir de la science-fiction à travers le recyclage cinématographique d’éléments hétéroclites appartenant à la BD (Tintin, Black et Mortimer), au cinéma des années 30 (Tarzan), à la (sous-)culture pop des années 50, aux séries TV contemporaines (X-Files), à la fantasy, à l’ufologie (Roswell, Zone 51), à la mythologie sud-américaine (L’Eldorado), à l’ésotérisme (Arche d’Alliance, quête du Graal) et à la parascience. La nostalgie d’un âge d’or de la SF, la frénésie d’hybridité générique (horreur, fantastique, anticipation, mondes perdus) sont-ils l’indice d’un cul-de-sac du cinéma de SF, ou au contraire d’une volonté de retrouver les origines mêmes de l’inspiration: le mythe? Pour retrouver son originalité, la SF, confrontée au retour de l’irrationnel, est-elle nécessairement condamnée à verser dans une quelconque "nostalgie des origines"? Notre communication, largement fondée sur l’anthropologie culturelle, tentera de formuler des réponses à ces questions en s’intéressant au cycle de Spielberg.

Références Bibliiographiques :

W. Stoczkowski, Des hommes, des dieux et des extraterrestres, Paris, Flammarion, 1999.
Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, Paris, Hachette Livre, 2008.


Laura HILTON: Le futur est dans le passé: la science-fiction gothique contemporaine dans la bande-dessinée steampunk
"Les idées du passé, qui sont les denrées les plus précieuses du passé, sont encore parfaitement à notre portée... il est possible d’entendre le passé comme un moyen de progresser dans le futur" (Extrait d’une interview d’Alan Moore dans SteamPunk Magazine)
Mon étude portera sur les différents volumes de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires d’Alan Moore et Kevin O’Neill. Je commencerai par évoquer la nature hybride et oxymorique de la science-fiction gothique ainsi que son lien avec la littérature Steampunk, en démontrant que, malgré des déplacements dans le temps et l’espace, la Ligue présente une histoire cohérente centrée sur l’ère Victorienne. En lien avec la notion gothique d’identité fragmentée ou double et la notion d’"ab-humain" proposée par Kelly Hurley, j’explorerai dans un second temps la façon dont Moore réinterprète les personnages de Griffin et de Hyde, en faisant des "super-héros" steampunk. Je conclurai enfin par l’analyse du meurtre de Griffin par Hyde, une scène qui incarne parfaitement le concept de l’énigme science-fictive. Mon analyse repose, dans son ensemble, sur l’idée que la Ligue présente l’avenir du Steampunk comme inexorablement lié à la littérature du passé.

Thierry JANDROK: Whitley Strieber: dogmatisme ou science-fiction?
Depuis les années cinquante, la population et les autorités furent régulièrement alertées par des témoignages concernant des OVNI. Puis vinrent les histoires d’enlèvement et de tortures hyper technologiques. Surfant sur cette vague ufologique, Whitley Strieber raconta son propre enlèvement par des extra-terrestres. Devant la vague d’incrédulité de la communauté scientifique et littéraire, il poursuivit sa démarche de "révélations" avant de publier une fiction en 2006: The Grays. Comment situer une telle approche dans la science-fiction d’aujourd’hui? Les histoires d’invasion par des aliens annoncerait-elles une remise en question des bases de la science-fiction? Quand la science se rapproche de la magie, le seul recours serait-il de revenir à l’exposé iconique et fictionalisé du dogme judéo-romano-christiannique, plongeant ainsi l’aventure de l’anticipation scientifique et de ses lumières dans l’obscurité de croyances appelées à répondre aux angoisses de nos contemporains?

Références Bibliographiques :

Friedman S.T.: Operation Majestic 12 and the United Government’s UFO cover up, Marlow and Company, New York, 2005.
Leir, Roger: Alien Implants, Dell Books, New York, 2000.
Strieber Whitley: Communion a true story, Harper, New York, 1987.
Strieber Whitley: Majestic, Putnam Books, New York, 1989.
Strieber Whitley: Confirmation, St martin’s Press, 1998.
Strieber Whitley: Breakthrough: The Next Step, Harper Spotlight, New York, 1996.


Anne KUSTRITZ: Eugénisme postmoderne: l’avenir de la politique reproductive et de la pensée raciale en science-fiction
Ce travail analyse les images de l’appartenance raciale, de la naissance et de l’humanité telles qu’elles sont construites par un ensemble de récits de Fantasy et de science-fiction contemporains. Les livres, films et séries télévisées de science-fiction qui construisent métaphoriquement des systèmes fondés sur les races rejouent avec insistance les leçons et les catastrophes du passé, en instaurant un dialogue avec les choix politiques cruciaux de notre époque qui président à des œuvres culturelles clés en construisant un espace imaginaire suffisamment éloigné des agissements de la culture officielle afin de mettre à jour la rétention des contenus raciaux et eugéniques dans les inquiétudes contemporaines liées à la génétique. Ainsi, ces récits nous obligent à affronter les implications des politiques humaines et reproductives dans un monde de manipulation génétique croissante, et attirent notre attention sur les questions morales essentielles de chaque époque: qui est l’Autre, et comment construire une relation éthique avec l’Altérité?

Références Bibliographiques :

Berlant, Lauren. The Anatomy of National Fantasy: Hawthorne, Utopia, and Everyday Life. Chicago: University of Chicago Press, 1991.
Berlant, Lauren. The Queen of America Goes to Washington City: Essays on Sex and Citizenship. Durham, NC: Duke University Press, 1997.
Cohn, Jan. Romance and the Erotics of Property. Durham: Duke University Press, 1988.
Frank, Thomas. "Alternative to What". Commodify Your Dissent. Ed. Thomas Frank and Matt Weiland. New York: W.W. Norton & Company, 1997.
Gaonkar, Dilip Parameshwar. "Toward New Imaginaries: An Introduction". Public Culture 14.1 (2002): 1-19.
Hall, Stuart. "Notes on Deconstructing ‘the Popular’". Cultural Theory and Popular Culture. 1978. Ed. John Storey. New York: Harvester Wheatsheaf, 1994. 442-53.
Hellekson, Karen and Busse, Kristina, ed. Fan Fiction and Fan Communities in the Age of the Internet. Jefferson, NC: McFarland & Company, 2006.
Jenkins, Henry. Convergence Culture: Where Old and New Media Collide. New York: New York University Press, 2006.
Lamb, Patricia Frazer and Vieth, Dianna L. "Romantic Myth, Trancendence, and Star Trek Zines". Erotic Universe: Sexuality and Fantastic Literature. Ed. Donald Palumbo. New York: Greenwood, 1986.
McRobbie, Angela. "Post-Feminism and Popular Culture", in Feminist Media Studies, Vol. 4, No. 3, (2004): 255-264.
Warner, Michael. Publics and Counterpublics. New York: Zone Books, 2002.
Warner, Michael. The Trouble with Normal: Sex, Politics, and the Ethics of Queer Life. New York: The Free Press, 1999.


Sophie LÉCOLE-SOLNYCHKINE: Du paysage-image au faire-paysage, représentations paysagères dans la SF et paysagisme contemporain
Comment les représentations du paysage dans la SF influencent-elles et travaillent-elles le chantier paysager de notre quotidien? Si le paysage-fiction des films semble se rapprocher peu à peu de notre entourage immédiat, l’analyse comparative de productions des deux ordres — paysages emblématiques de la SF, réalisations urbanistiques d’architectes-paysagistes — permettra de dessiner le parcours d’allers-retours incessants croisant influences et parentés. Cette analyse permettra en outre d’apporter un éclairage nouveau aux notions de fiction et de paysage, mettant au jour leurs relations sous-jacentes. Si le mot paysage désigne tout autant les représentations de paysage que le paysage grandeur nature, alors cette indistinction fondamentale permet de penser que le paysage réel et le paysage-image ont partie liée: non seulement parce que, banalement, l’un représente l’autre, mais, plus essentiellement, car la nature même de l’un participe de celle de l’autre. Cette perspective met ainsi au jour un enjeu politique de taille, qui réunit dans une même praxis les réalisateurs de SF et les architectes-paysagistes: celui, à travers la fabrication du paysage, de la recherche d’un comment-vivre-ensemble.

Mael LE MÉE: L'institut Benway
Il ne s'agit pas d'une communication universitaire mais d'une conférence-fiction sur une entreprise fictive, l'Institut Benway. Je développe le projet Benway depuis quatre ans. Il a été accueilli et soutenu dans les champs de la culture scientifique, des recherches universitaires en sciences humaines (CNRS/Paris 3, Grenoble, Bordeaux, Dijon), de la science-fiction et de l'art contemporain. La dernière présentation des conférences Benway a eu lieu au musée d'histoire des sciences de Genève, les 5 et 6 juillet derniers. Les organes de confort Benway ont été vendus notamment au Palais de Tokyo à Paris et au Lieu Unique à Nantes.
L'Institut Benway est un projet de science-fiction travaillant à partir d'images d'archives des années 50, sur les enjeux biotechnologiques, dans des formes hybrides: performance, installation, audiovisuel, graphisme, littérature. C'est un travail prospectif dans ses thématiques comme dans ses formes. Une tentative de proposer au public l'expérience d'une nouvelle incarnation.

Isabelle LIMOUSIN: Installation, science-fiction et utopie: l’autre monde de Dominique Gonzalez-Foerster
Les artistes nés dans les années 60 ont grandi dans les années science-fiction, marquées notamment par la sortie de 2001 Odyssée de l’espace (1968) et de Star wars (1977). Alors que, trente ans plus tard, la SF semble s’épuiser dans ses formes classiques (littérature, bande dessinée, cinéma ou design), l’art des années 90 à nos jours y renouvelle ses sources d’inspiration Nous proposons de nous intéresser à l’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, artiste française née en 1965 à Strasbourg. Exploratrice des mondes possibles, celle-ci conçoit installations et expositions comme autant de propositions artistiques dont l’enchantement parfois féérique a la douceur d’une aventure mémorielle. L’influence de la science fiction, revendiquée par l’artiste, est majeure dans son œuvre, comme en a témoigné l’exposition "Expodrome" organisée au Musée d’art moderne de la ville de Paris au printemps 2007. Il s’agira pour nous d’examiner quelles sont les inspirations science-fictives de cette artiste, et par quelles voies celles-ci resurgissent dans son œuvre, mêlant essentiellement arts plastiques, cinéma, littérature, musique et transformant dans le même mouvement, au-delà des classifications classiques et des cloisonnements génériques, l’art et la science fiction d’aujourd’hui.

Juan Ignacio MUNOZ: Le cyberpunk vernaculaire de l’Amérique Latine: dystopies, virtualités
Plutôt qu’en mouvement cohérent, le cyberpunk latino-américain s’est constitué en une série de vagues dissociées apparaissant vers la fin des années 1980 avec le démantèlement des dictatures militaires et l’accélération des projets économiques néolibéraux dans la pluralité des pays latino-américains: de l’Argentine jusqu’au Mexique, en passant par Cuba, le Paraguay et la Bolivie. À partir d’une exposition des traits saillants de ce sous-genre, à mi-chemin entre le réalisme magique, le roman de dictateur, l’écriture postmoderne et la science-fiction, je ferai un survol de ses principales œuvres: Santa Clara Poltergeist (1991) du Brésilien Fausto Fawcett, La Primera Calle de la Soledad (1993) du Mexicain Gerardo Horacio Porcayo, et Ygdrasil (2005) du Chilien Jorge Baradit. Je m’attarderai également à évaluer comment les concepts de dystopie et de réalité virtuelle sont articulés dans cet espace culturel.

Isabelle PERIER:  Dan Simmons ou "Que se passe-t-il lorsque la science-fiction rêve de littérature?"
Le propos de cette intervention consistera à analyser les deux cycles de science-fiction de Dan Simmons en les passant au crible de l'intertextualité. Ainsi, si Dan Simmons reprend un intertexte traditionnel en science-fiction, c'est-à-dire un entremêlement de discours scientifiques, de littérature de science-fiction et de grands mythes épistémologiques, son originalité vient de l'adjonction d'un intertexte appartenant à la littérature officielle, ou dominante, ainsi qu'à la littérature critique. De cette manière, Dan Simmons ouvre une double piste de développement possible pour la science-fiction. D'une part, loin de laisser ces deux types d'intertexte cohabiter individuellement, il les tisse en un texte dont l'originalité réside proprement dans cet entremêlement de références intertextuelles hétéroclites. D'autre part, cette intertextualité fortement littéraire et culturelle se trouve être à même de questionner les rapports souvent occultés de la culture avec le futur et la technoscience.

Maryse PETIT: J.-M. Truong: juste un temps d'avance
Auteur de trois romans, J.-M. Truong n’est pas un écrivain d’anticipation. Philosophe et psychologue, expert spécialiste en intelligence artificielle, créateur d’entreprises de haute technologie, J.-M. Truong n’est pas un homme du présent. D’origine franco-vietnamienne, vivant et travaillant en Chine, J.-M. Truong n’est pas d’un pays, mais un esprit des frontières; frontières entre aujourd’hui et demain, entre homme et machine dotée de réflexion, entre humanité et déshumanisation. Qu’il s’interroge sur le devenir du clonage, sur l’empire de la Toile ou sur notre rapport au temps en proposant les conséquences prochaines des découvertes scientifiques actuelles en matière de technologie de l’information et de biologie, Truong pose les questions essentielles des limites, que l’on croirait insurpassables, et qui sont chaque jour franchies. Au-delà des cellules, des écrans, des frontières, quels sont les possibles pour une humanité aveugle et qui a tellement envie de croire aux leurres qu’elle se fabrique? Si les réponses qu’apporte l’auteur sont loin d’être optimistes, il n’en demeure pas moins que c’est à la réalisation de quelques-unes d’entre elles que nous sommes d’ores et déjà confrontés dans le présent.

Yannick RUMPALA: Ente anticipation et problématisation: la science-fiction comme avant-garde
La littérature de science-fiction n’a pas qu’une dimension narrative. Par ses montages spéculatifs, elle peut être un support et un vecteur de réflexivité collective. Elle peut aussi contribuer à préparer les esprits en participant à la construction et à la diffusion d’images du futur. Cette contribution part ainsi de l’hypothèse que la science-fiction représente une façon de ressaisir le vaste enjeu du changement social, et derrière lui celui de ses conséquences et de leur éventuelle maîtrise. La science-fiction offre, certes plus ou moins facilement, des terrains et des procédés pour s’exprimer sur des mutations plus ou moins profondes, plus précisément sur les trajectoires qu’elles semblent pouvoir prendre. En considérant cette forme d’expression artistique comme un travail de problématisation, nous essaierons donc d’examiner comment l’appréhension du changement social est travaillée par cette médiation littéraire. Ce lien entre l’expression artistique et ses potentiels prolongements socio-politiques sera mis à l’épreuve à partir de l’exploration de courants généralement considérés comme porteurs de positions engagées (cyberpunk et postcyberpunk, biopunk, fiction spéculative, anticipation sociale...).

Benjamin THOMAS: Le Cinéma de science-fiction japonais et la fonction politique de l'art
Au Japon, l’historiographie et la politique offrent aujourd’hui un terrain miné à l’examen critique du passé. Ce "simple" projet provoque immanquablement dans ces domaines des tensions qui finissent par reléguer son objet au second plan.
Certains cinéastes japonais, parce qu’ils sont sensibles aux dangers de la prolifération de l’image, interrogent quant à eux jusqu’à la possibilité de parler d’histoire par le biais de la forme canonique du film de fiction: l’histoire ainsi évoquée risquerait d’être "déréalisée".
Dans un tel contexte, des réalisateurs tels que Hiroki Yamaguchi semblent pourtant avoir trouvé dans la science-fiction la possibilité de livrer un discours historique conscient en ne frappant pas de suspicion la fiction et les jeux d’immersion qui président à sa forme traditionnelle.
Ce genre, lié avant tout au divertissement — qui reprendrait ici le sens positif que lui donnait W. Benjamin —, semble permettre de redécouvrir, au cœur de l’ère de la surabondance médiatique, grâce au "détour", à "l’échappée", une forme de ce que le penseur allemand appela la "fonction politique" du cinéma.

Natacha VAS-DEYRES: Quand l'utopie s'éveillera dans la science-fiction française contemporaine
Dans la science-fiction française contemporaine nombre de romans conjecturaux comme ceux de Serge Lehman, de Jean-Christophe Rufin, de Jérôme Leroy, de Pierre Bordage, d'Ayerdhal ou encore de Maurice G. Dantec ont choisi la dimension littéraire de la dystopie pour questionner notre futur social et politique. Ces représentations prospectives de notre société postmoderne, endroit fictionnel d'un monde libéral et mondialisé, semblent avoir gommé toute tentative utopique. Pourtant au sein même de ces univers globalisés, ou la logique mercantile prime sur les valeurs humaines, l'utopie est bien présente. En réécrivant et en bousculant notre histoire par un phénomène d'écho entre invention littéraire et référence au réel, la nouvelle génération d'écrivains français de science-fiction témoigne d'un désir profond de changement sociétal. L'alternative utopique se réalise aujourd'hui au sein même de la littérature de science-fiction sur l'image positive d'un monde souhaitable, renouvelé par des dimensions politiques ou mystiques: elle rompt avec les projets totalitaires ou consuméristes en explorant les utopies "en friche", l'envers de ses propres représentations.

Références Bibliographiques :

Ayerdhal, Chronique d’un rêve enclavé, éditions Au Diable Vauvert, Vauvert, 2003 ; Demain une oasis, édition Fleuve noir Anticipation, Paris, 1991.
Ayerdhal et Jean-Claude Dunyach, Etoiles mourantes, J'ai lu Millénaires, Paris, 1999.
Pierre Bordage, Les Derniers hommes, éditions Librio, Tomes 1, 2, 3, 4, 5, Paris, 2000 ; La Trilogie des prophéties (L’Evangile du serpent, L'Ange de l'abîme, Les Chemins de Damas), Au diable vauvert, Vauvert, 2004-2005 ; Wang 1-Les Portes d'Occident et Wang 2-Les aigles d'Orient, Librairie L'Atalante, Paris, 1997.
Maurice G. Dantec, Cosmos incorporated, Grande Jonction, Albin Michel, Paris, 2005-2006.
Serge Lehman, Nulle part à Livérion in Genèses, sous la responsabilité d'Ayerdhal, J'ai lu SF, Paris, 1996 ; F.A.U.S.T, Les Défenseurs, Tonnerre Lointain, éditions Fleuve noir, sous la direction de Jacques Baudou, Paris, 1995-1996.
Jérôme Leroy, Big Sister, éditions Mille et une nuit, Paris, 2004.
Pierre Pelot, Parabellum Tango, Présence du futur, éditions Denoël, Paris, 2000.
Jean-Christophe Rufin, Globalia, Gallimard, Paris, 2004.
Les Horizons divergents, La grande anthologie de la science-fiction française (1985-1996), éditions du Livre de Poche, Paris, 1999.
Les Passeurs de millénaires, La grande anthologie de la science-fiction française (1950-2000), éditions du Livre de Poche, Paris, 2005.
Dictionnaires des utopies, Michèle Riot-Sarcey, Thomas Bouchet et Antoine Picon, Collection les référents, Larousse, Paris, 2002.
L'Utopie, Roger-Michel Allemand, Ellipses, Paris, 2005.
Utopie, la quête de la société idéale en Occident, sous la direction de Lyman Tower Sargent et Roland Schaer, BNF/ Fayard, Paris, 2000.


PRESSES / MÉDIA :

* "Bienvenue à Cerisy", par Claire CORNILLON, in L'intermède (25/07/2009)
* "Récits des premiers jours du colloque — Différentes approches pour cerner le genre", par Claire CORNILLON, in L'intermède (26/07/2009)
* "Récits des trois jours suivants — L’espace du rêve", par Claire CORNILLON, in L'intermède (28/07/2009)
* "Récit des derniers jours — Formes hybrides", par Claire CORNILLON, in L'intermède (31/07/2009)

BIBLIOGRAPHIE :

* ALDISS Brian & WINGROVE David, Trillion Years Spree, The History of Science Fiction, House of Stratus, 2001.
* BELLAGAMBA, GAUTERO, PICHOLLE, TERREL & VILLERS eds., La science-fiction dans l’histoire, l’histoire dans la science-fiction, Actes du colloque de Nice, revue Cycnos, vol. 22, n°1 et 2, 2005.
* BERTHELOT Francis & CLERMONT Philippe, Colloque de Cerisy: Science-fiction et imaginaires contemporains, Paris: Bragelonne, 2007.
* BOZZETTO Roger, La science-fiction, Paris: Armand Colin, 2007.
* BOZZETTO Roger & MENEGALDO Gilles eds., Colloque de Cerisy: Les nouvelles formes de la science-fiction, Paris: Bragelonne, 2006.
* BRODERICK Damien, Reading by Starlight, Postmodern Science Fiction, London: Routledge, 1995.
* CLUTE, John & NICHOLLS, Peter eds., The Encyclopedia of Science Fiction, Second Edition, London: Orbit, 1993, 1999.
* FREEDMAN Carl, Critical Theory and Science Fiction, London: Wesleyan University Press, 2000.
* JAMES Edward & MENDLESON Farah eds., The Cambridge Companion to Science Fiction, Cambridge: Cambridge University Press, 2003.
* JAMESON Fredrick, Archeologies of the Future, New York:Verso.
* KLEIN Gérard, GOIMARD Jacques & THAON Marcel, Science-fiction et Psychanalyse, L’imaginaire social de la SF, Paris: Dunod, 1986.
* LABBE Denis & MILLET Gilbert, La Science-fiction, Paris: Belin, 2001.
* LANGLET Irène, La science-fiction, Lecture et poétique d’un genre littéraire, Paris: Armand Colin, 2006.
* SUVIN Darko, Pour une poétique de la science-fiction, Presses de l’Université du Québec, 1977.



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