DU MERCREDI 20 JUILLET (19 H) AU SAMEDI 30 JUILLET
(14 H) 2005
JEAN-PAUL SARTRE : ÉCRITURE ET ENGAGEMENT
DIRECTION : Michel RYBALKA, Michel SICARD
ARGUMENT :
"Veilleur de nuit présent sur tous les fronts
de l’intelligence" (comme l’a dit Audiberti), Sartre a
sans doute été durant le siècle passé
le contemporain capital, celui que l’on rencontre à
tous les carrefours de la culture. Voué à l’écriture
dès son enfance, idéologiquement créateur,
il présente cet exemple unique d’un homme qui a construit
à la fois une grande œuvre littéraire et une grande
œuvre philosophique, à partir de son existence personnelle
et sous le signe de la liberté. Il a pratiqué d’une
façon éclatante presque tous les modes d’écriture:
fiction, philosophie, théâtre, biographie, autobiographie,
essais en tous genres, récits de voyage, journal, journalisme...,
et il apparaît, au centenaire de sa naissance, comme le
prototype de l’écrivain intellectuel engagé dans
l’aire des interfaces, de la communication et de l’interculturalité.
Une première
décade de Cerisy, d’une tenue remarquable,
a été consacrée à Sartre en 1979,
peu avant sa mort. Ce colloque fera le point sur les nouvelles
approches et les perspectives que l’œuvre sartrienne
ouvre au début du XXIème siècle.
CALENDRIER DÉFINITIF :
Mercredi 20 juillet
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS
Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants
Jeudi 21 juillet
Matin:
Michel RYBALKA &
Michel SICARD: Introduction
Maurice DE GANDILLAC: Souvenirs de Sartre
Dominique DESANTI: Rencontres avec Sartre
Après-midi:
Dominique DESANTI: Rencontres avec Sartre (suite)
François NOUDELMANN:
Dégénérations Sartre
Philippe PETIT: Le
statut du réel chez Sartre
Vendredi 22 juillet
Matin:
Benoît DENIS: Sartre et la littérature
engagée, ou la fin de l’entre-deux guerres
Jacques LECARME: Sartre aux Lettres françaises
clandestines: la résistance d'un écrivain
Après-midi:
Bernard-Henri LÉVY:
Un Sartre, après tout
Arno MÜNSTER: Réflexions
sur Réflexions sur la question juive
Samedi 23 juillet
Matin:
David DRAKE: Sartre et
le Parti Communiste Français après la Libération
Thomas FLYNN: Histoire
et engagement selon la théorie sartrienne de
l'Histoire
Après-midi:
William L. McBRIDE: Sartre
et le sens de l’histoire
Hadi RIZK: Subjectivité
et multitude: éléments pour une théorie du
pouvoir constituant dans la Critique de la raison
dialectique
Soirée:
Olivier TODD: Sartre et le Vietnam
Dimanche 24 juillet
Matin:
Pierre VERSTRAETEN: Influences contemporaines de
Sartre dans la lecture de Lacan
Jean BOURGAULT: Névrose
et programmation dans L’Idiot de la famille
Après-midi:
Gilles PHILIPPE: Où
en sont les études génétiques sur Sartre?
Vincent DE COOREBYTER:
Apport de la critique génétique à
l'étude de la pensée de Sartre
Mauricette BERNE: A
la recherche des manuscrits
Lundi 25 juillet
Matin:
Adrian VAN DEN HOVEN: Le
théâtre et les scénarios de Sartre: théâtralité,
temporalité et historialité
Gabriella FARINA: L’acteur
et les masques dans le théâtre philosophique
de Sartre et de Pirandello
Après-midi:
Promenade dans la baie du Mont-Saint-Michel
Mardi 26 juillet
Matin:
Isabelle GRELL: Multiple,
insaississable, inachevée: La Dernière
Chance
Table Ronde : Modernité/Postmodernité chez Sartre,
avec Deise QUINTILIANO
(Sartre, des incompatibilités électives), Paolo
TAMASSIA, Gérard WORMSER
(Sartre et l'intentionnalité morale) et Michel
RYBALKA
Après-midi:
Jean-Pierre BOULÉ:
Quelques réflexions sur Sartre et les hommes
Michel KAIL: Le Masculin
et le féminin, regards croisés de Sartre
et Beauvoir
Christina HOWELLS: Sartre
et la mort: l’oubli du corps
Mercredi 27 juillet
Matin:
Heiner WITTMANN: Sartre,
Venise et l’art. Les passions du Tintoret
Michel SICARD: Sartre, une esthétique des traversées
Après-midi:
Visite de l'IMEC à l'abbaye d'Ardenne (Caen)
Jeudi 28 juillet
Matin:
Elio MATASSI: Sartre
et la musique (texte lu)
Nao SAWADA: Donner le rien:
générosité paradoxale chez Sartre
Après-midi:
Vincent VON WROBLEWSKY:
Traduire Sartre en Allemand — quelques réflexions
pratico-aléatoires
Table Ronde : Sartre dans le monde
Vendredi 29 juillet
Matin:
Kwang-Bai BYUN: Sartre
et la guerre de Corée
Jeong-Im YOON: La réception
de Sartre en Corée du Sud
Après-midi:
Françoise GAILLARD: Sartre et Barthes?
Michel CONTAT: Les Sartre: identités multiples
de l’écrivain
Alain FLAJOLIET: L'ontologie phénoménologique
et les perspectives morales
Samedi 30 juillet
Matin:
Table Ronde : Evaluation et conclusions. Perspectives
d'avenir
Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS
RÉSUMÉS :
Mauricette BERNE: A la recherche
des manuscrits
Ma communication
portera sur les manuscrits de Sartre et de Simone
Jollivet que j'ai retrouvés dans le fonds Dullin et
dans le fonds Jollivet. Il s'agit de manuscrits de textes
de jeunesse: Empédocle et Une défaite que
Sartre avait donnés à lire à sa cousine S.
Jollivet qui inspira le personnage féminin de
La Nausée. A l'école de théatre de Dullin,
Sartre donnait un cours d'histoire du théatre et
aussi de jeu en alternance avec Barrault. Nous avons également
retrouvé les réponses de lettres de Simone Jollivet
à Sartre correspondant aux lettres publiées dans
les Lettres au Castor.
Jean-Pierre BOULÉ:
Quelques réflexions sur Sartre et les hommes
Ma communication
partira du concept de la masculinité en montrant
combien elle résonne dans l'enfance de Sartre et
comment ce dernier a forgé sa masculinité avec
l'écriture et la séduction (les deux concepts
étant liés). On parle toujours de "Sartre
et les femmes" et, si l'on parle de Sartre et les hommes,
c'est surtout pour parler de Sartre politique. Je propose
d'étudier Sartre sous le biais de la masculinité dans
sa relation aux hommes, évoquant plusieurs figures telles
que: son grand-père, Paul Nizan, ses relations avec
ses camarades lors de la guerre, ainsi que ses relations avec
Camus et pour finir avec Benny Lévy.
Référence Bibliographique :
Sartre, Self-Formation and Masculinities, Berghahn
Books, 2004.
Jean BOURGAULT: Névrose
et programmation dans L’Idiot de la famille
Au début
du troisième tome de L’Idiot de la famille,
Sartre fait le bilan de son enquête biographique: Flaubert,
captif de sa passivité, est "névrosé",
enfermé dans un mouvement qui lui fait tout ensemble reprendre
à son compte, radicaliser et souffrir les contradictions
dans lesquelles il vit. Et Sartre s’étonne: malgré
les pièges circulaires de la névrose, le texte
de Madame Bovary n'a jamais provoqué la violente impression
que suscitent les productions de l’art "névrotique",
productions qui témoignent uniquement de "l'univers inquiétant
de la pathologie mentale". Il s’agira d’interroger, tout particulièrement
à partir du concept de "programmation", la philosophie
de la réception qui s’affirme dans ces pages ; on mettra
ainsi en évidence la dimension herméneutique des
biographies sartriennes.
Kwang-Bai BYUN: Sartre et
la guerre de Corée
Nous nous proposons
dans notre communication deux objectifs. Le premier
est de savoir quelle était l’attitude prise par
Sartre vis-à-vis de la Guerre de Corée et le
deuxième est de tenter de rectifier, en cas de besoin,
cette attitude. Nous avons commémoré en 2000 le
cinquantième anniversaire de l'éclatement
de la Guerre de Corée. Par malheur, nous n’avons pas
encore réussi à en surmonter les traces. La preuve
en est que les deux Corées restent encore séparées
l’une de l’autre. En tant qu’intellectuel engagé et
mondialement connu, Sartre n'a pu rester indifférent
à la Guerre de Corée, même si elle s’est
déclenchée dans un pays très lointain.
En outre, très proche, vers 1950, du PCF, Sartre a cru
que c’était la Corée du Sud qui avait attaqué
la Corée du Nord à l'instigation des Etats-Unis. Ce
jugement sartrien garde-t-il aujourd’hui encore sa validité?
Nous allons répondre, entre autres, à cette question
en partant surtout des dossiers secrets qui ont été
rendus publics en 1996 lors de la visite du Président sud-coréen
en URSS.
Vincent DE COOREBYTER:
Apport de la critique génétique à l'étude
de la pensée de Sartre
La pensée
de Sartre fait encore l’objet de lectures englobantes
qui soulignent sa continuité, qu’on l’impute aux
mobiles psychobiographiques censés en soutenir
obsessionnellement le développement ou, au contraire,
à la progression d’un système déroulant
ses conséquences théoriques à partir
d’une impulsion initiale. L’étude génétique
de cette pensée y relève un certain nombre
de ruptures, fines mais décisives, toujours
portées par un enjeu de premier plan. Elle révèle
aussi des continuités inattendues, portant
sur des thèses également fines et décisives
qui constituent le soubassement architectonique et conceptuel
de cette pensée. Elle fait enfin apparaître
des tensions fondatrices, dotées d’une grande puissance
heuristique en raison même de leur instabilité.
La critique génétique ne noie pas la pensée
de Sartre dans ses sources et ses balbutiements, mais
déplie au contraire ses aspérités génératrices.
David DRAKE: Sartre et le Parti
Communiste Français après la Libération
Dans La Force des
choses, Simone de Beauvoir écrivait à
propos de Sartre que: "Sur le plan politique, il pensait que
les sympathisants [comme lui] avaient à jouer, à
l'extérieur du PC, le rôle qu'à l'intérieur
des autres partis assume l'opposition: soutenir tout en critiquant"
(La Force des choses, Gallimard, 1963, p.18). Il se
trouve que Sartre fut vite déçu. Au lieu d'être
considéré comme un sympathisant critique, il fut
traité comme un ennemi du Parti. Mon intervention sera basée
sur une analyse de textes publiés dans la presse communiste
dont certains sont bien connus et d'autres moins connus. Elle
s'efforcera de mettre en lumière les thèmes des
attaques du PCF contre Sartre pendant les années qui ont
suivi la Libération. Déjà en 1944, dans
Action, Sartre répondait à ses critiques
communistes mais les critiques continuèrent en s'intensifiant
principalement à cause du succès de Sartre
à partir de 1945, sa défense de Nizan (1947), sa participation
au Rassemblement démocratique révolutionnaire (RDR)
et la mise en scène de sa pièce Les Mains sales
(1948). Bien que ces attaques furent lancées pour la plupart contre
l'existentialisme de Sartre, je veux démontrer qu'elles furent
essentiellement des critiques "politiques" plutôt que des
critiques "philosophiques".
Gabriella FARINA: L’acteur
et les masques dans le théâtre philosophique
de Sartre et de Pirandello
Le rôle
de l'acteur dans la philosophie de Sartre est défini
essentiellement par le personnage de Kean. Kean est
l'acteur qui ne cesse jamais de jouer, qui joue sa propre vie,
qui ne se connaît et ne se reconnaît pas, qui
ne sait pas qui il est et qui, en définitive, n'est
plus personne. Dans Sartre, comme dans Genet, l'acteur est créé
par son rôle, ainsi que le médecin par la maladie.
Chez Pirandello, en revanche, l'acteur cède
la place aux masques qui, à tour de rôle, se
voilent et se dévoilent.
Alain FLAJOLIET: L'ontologie phénoménologique
et les perspectives morales
L’ontologie phénoménologique développée
en 1943 par Sartre dans L’être et le néant constitue
un bon guide pour comprendre la formation de la morale sartrienne
entre 1939-40 et 1947-48. En effet, tout d’abord, L’être
et le néant est préparé — jusqu’à un
certain point —, par le travail de 1939-40: les Carnets de la drôle
de guerre, dans lesquels Sartre esquisse de manière encore
très hésitante sa morale de l’authenticité. En
second lieu, l’ontologie de 1943 contient en elle-même
des « perspectives morales ». Enfin, L’être et
le néant prépare les Cahiers pour une morale,
œuvre dans laquelle l’effort pour élaborer une morale est étroitement
lié à un remaniement profond de l’ontologie phénoménologique
de 1943. Cette communication suivra donc très naturellement un
développement un trois parties:
1- Des Carnets de la drôle de guerre, œuvre protéiforme
aux visées très complexes — tenir un journal de guerre,
esquisser une future ontologie phénoménologique, mais
aussi construire ici et maintenant une « métaphysique »
de la « réalité-humaine », se situer par rapport
à Heidegger et Husserl... —, et au statut littéraire plus
qu’ambigu — écrit du genre autobiographique, mais comportant des
passages de pure philosophie abstraite, puisque le diariste est philosophe
de métier... —, se dégage quant même, comme un fil
rouge, une préoccupation constante: fonder sur une nouvelle métaphysique,
une nouvelle morale conceptuellement articulée, qui dépasse
les convictions d’avant guerre dont le contenu désormais est
critiqué pour n’avoir fourni à Sartre que des règles
de vie « inauthentique ». Dans cette morale d’avant l’onto-phénoménologie,
fondée sur le concept d’une « réalité-humaine
» susceptible d’exister concrètement de multiples manières,
le problème essentiel est de classer ces manières concrètes
d’exister en les regroupant autour de deux types existentiels principaux:
« authentiques » et « inauthentiques ». (L’inspiration
vient d’Etre et temps de Heidegger, moyennant cette distorsion
considérable: Sartre donne un contenu moral à deux concepts
dont Heidegger rappelait sans cesse qu’ils étaient moralement
neutres) ;
2- Dans L’être et le néant, l’« ontologie
phénoménologique » tente de conserver, conformément
aux injonctions de Heidegger, une neutralité morale. Les perspectives
morales se situent donc au delà de l’ontologie (tout
comme les perspectives «métaphysiques»). Mais l’onto-phénoménologie
donne toutefois des indications contraignantes à la future morale,
car toutes les déterminations ontologiques du pour soi ne sont
pas annulées lorsqu’on veut refonder la morale. Cette dernière
doit donc assumer le fait que tout pour soi est un ipse hanté
par la valeur de toutes la valeurs: lui-même dans la forme de l’en
soi. Que signifie dès lors vivre « authentiquement »
ou « inauthentiquement » cette structure constitutive de tout
pour soi? Tel est le nouveau sens que prend la question morale, qui contient
une redoutable difficulté: comment concilier la recherche, semble-t-il
nécessaire en tout pour soi, d’un idéal d’être,
et l’exigence d’authenticité comme assomption d’une existence
facticielle se re-faisant sans cesse dans l’angoisse?
3- Les Cahiers pour une morale (1947-48) incarnent
une structure de pensée métastable propre aux œuvres
de crise (comme le sont aussi des Carnets de la drôle de guerre).
Le projet d’une « morale ontologique », avec son thème
essentiel de la « conversion », continue d’être
assumé, en même temps qu’il ne l’est plus, en raison
de l’ouverture d’une problématique de l’historicité de
la réalité-humaine, dont le concept désormais central
est celui d’« aliénation ». La nouvelle phénoménologie
de l’histoire humaine a dépassé les problèmes de
la morale ontologique, mais c’est pour en soulever un autre, tout aussi
redoutable: comment affirmer l’exigence morale absolue au cœur
même de l’action historique présente et concrète
(aucune justification possible du mensonge ou de la violence), alors même
que l’histoire purement humaine, totalité dès toujours détotalisée,
semble n’être que le domaine des fins relatives (refus d’ordonner
cette histoire à une Fin en soi)?
Thomas FLYNN: Histoire et
engagement selon la théorie sartrienne de l'Histoire
Le concept de
l'histoire engagée est une extension de la
notion de littérature engagée que Sartre introduisit
dans « Qu'est-ce que la littérature? ». Ce
concept nous montre le rôle des jugements de valeur
dans les rapports historiques et met en évidence
la proximité des relations qui existent entre le factuel
et le fictionnel dans la production d'« histoires ».
Ce que j'appelle « théorie existentialiste de l'histoire
» s'inscrit dans cette démarche. Son fondement ontologique
est l'intelligibilité dialectique élaborée
dans « La critique de la raison dialectique ». Dans ce
contexte, la théorie existentialiste de l'histoire se concentre
sur les « biographies existentialistes » afin d'illustrer
les valeurs et contre-valeurs existentialistes telles que la liberté,
la responsabilité et la mauvaise foi, autant des points de vue
de l'individu que de la collectivité. Les modèles
de cette théorie sont des études de psychanalyse existentielle
telles que « L'idiot de la famille ». Le danger de
l'histoire engagée est qu'elle ignore l'objectivité historique
et devient soit une expression purement subjective, soit de la propagande.
Je montre que l'histoire existentielle peut éviter ces
erreurs.
Isabelle GRELL: Multiple,
insaississable, inachevée: La Dernière
Chance
Au fil des mois
et des années qui passent, Sartre délaissera
le quatrième tome des Chemins de la liberté
commencé en automne 1938 et dont un extrait, Drôle
d'amitié, paraît en décembre 1949.
Mais quelle aurait été la suite de La Mort dans
l'âme dont l'action prend fin le 18 juin 1940, le jour
de la capitulation, action incontestablement inspirée
par le propre vécu du soldat 2112? Les plans, ces échafaudages
mentaux, nous seront d'une aide opérante pour tenter
la reconstitution du texte tel que Sartre l'avait imaginé
et ils permettent de distinguer les modifications effectuées
en cours de route. Les chemins du manuscrits nommé Bauer
contenaient dix plans de longueurs diverses, dix listes élémentaires,
plus construites ou même détaillées, conçues
comme des possibilités de scènes à développer,
de chapitres à élaborer, de dialogues à
façonner. Ils servaient principalement à ordonner
les réflexions de l'écrivain, à guider l'écriture
lors d'un moment de confusion, à se repérer quand
la pensée obliquait. De petits détails verbalisés
voisinent avec des projets qui, développés, occuperont
tout un chapitre. Sartre fixe la disposition générale
des lieux, du décor, des faits et dits. Mais qu'aurait
été, concrètement, l'intrigue de La Dernière
Chance? Nous allons ici proposer une possibilité de reconstruction
du tome inachevé.
Adrian VAN DEN HOVEN: Le
théâtre et les scénarios de Sartre: théâtralité,
temporalité et historialité
Une analyse de
Huis clos, Les Mouches, Les Mains sales, La Putain
respectueuse, Morts sans sépulture, l'Engrenage,
Les Jeux sont faits, Les Séquestrés d'Altona
et Résistance.
On étudiera
le lien entre les techniques littéraire et
théâtraux (didascalies, analepses, prolepses,
etc.) et la conception sartrienne de la temporalité
et de l'historialité. Par exemple, l'importance de "l'au-delà"
dans Huis clos et Les Jeux sont faits ; l'exploitation
des éléments de la temporalité dans
Les Mains sales et Les Séquestrés
d'Altona ainsi que des techniques cinématiques et
des multimedia.
Christina HOWELLS: Sartre
et la mort: l’oubli du corps
Chez Sartre, "le
Je transcendental, c'est la mort de la conscience". La
mort empirique est contingente, un aspect de la facticité,
qu'elle ne fonde pas. Elle ne fonde pas non plus la finitude:
même immortelle, la réalité humaine demeurerait
finie. La mort ne fait pas partie de la structure ontologique
de l'être, ni de la subjectivité.Toutes ces réflexions
sur la mort s'efforcent de la séparer de l'être
pour-soi. Mais où en est le corps, puisque "le corps
est une caractéristique nécessaire du pour-soi"?
C'est la question fondamentale de ma communication.
Références Bibliographiques :
Sartre's Theory of Literature, M.H.R.A., London,
1979.
Sartre: The Necessity of Freedom, C.U.P.,
1988.
Sartre: A Companion C.U.P., 1992. (Editor of,
and contributor to, substantial volume of commissioned essays
on Sartre's philosophy).
Sartre, Longman, London and New York, 1995.
Derrida: Deconstruction from Phenomenology
to Ethics, Polity Press, 1998.
French Women Philosophers: A Contemporary Reader.
Subjectivity, Identity, Alterity, Routledge, 2004.
Michel KAIL: Le Masculin et
le féminin, regards croisés de Sartre et Beauvoir
A ne considérer que L'Être et le néant,
qui développe une philosophie anti-essentialiste,
il apparaît que Sartre utilise les catégories
du masculin et du féminin dans un sens fort classique,
c'est-à-dire essentialiste, c'est-à-dire
sexiste. Je voudrais poser la question de l'influence,
non plus pour savoir quelle influence Sartre a exercé
sur Beauvoir, mais quelle influence celle-ci a exercé
sur celui-là? Autrement dit, la lecture du Deuxième
sexe a t-elle modifié l'usage sartrien des catégories
du masculin et du féminin? A-t-elle conduit Sartre à
refuser d'user même de ces catégories? Question cruciale
à nos yeux tant nous sommes persuadés que l'évidence
attachée à cette distinction du masculin et du
féminin est une source bien plus profonde de préjugés
que celle dénichée par Spinoza. La meilleure preuve
réside dans le fait que ce pourfendeur des préjugés
reste attaché aux préjugés les mieux partagés
concernant le féminin et le masculin.
Bernard-Henri LÉVY:
Un Sartre, après tout
Il y a quatre
ans, dans Le Siècle de Sartre, je défendais
la thèse d’un double, voire d’un triple, Sartre:
le Sartre stendhalien et le Sartre de la maturité,
le Sartre antitotalitaire et le Sartre compagnon de route,
le Sartre pessimiste et le Sartre progressiste, le Sartre
anti humaniste de La Nausée et « l’ami du
genre humain » des grandes périodes militantes,
sans compter, enfin, l’autre Sartre, le troisième,
celui des entretiens de la toute fin avec son dernier secrétaire,
Benny Lévy. L’idée est, ici, de revenir sur
cette thèse, d’en rappeler les attendus, d’en confirmer
et valider la pertinence, mais aussi de montrer comment, à
un autre niveau, fet il s’agira de dire lequel, ces deux ou trois
Sartre ne font qu’un, ces figures adverses forment un visage, ces
textes un corpus unique, ces moments distincts une aventure de pensée
singulière. Sartre comme un tout. Sartre comme un bloc.
Aussi.
Elio MATASSI: Sartre et la
musique
Quoiqu’on ne puisse
pas trouver dans les pages sartriennes une grande
quantité de réflexions consacrées par
Sartre à la musique, il est intéressant d’évaluer
le poids que cet art exerce, notamment au niveau théorique,
sur la pensée de Sartre et cela conformément
aussi à ce que le Gunter Anders de la période américaine
soulignait dans son importante critique de l’Esquisse
d’une théorie des émotions. On peut noter
les suggestions les plus stimulantes dans la dernière
section de L’Imaginaire, dans quelques passages
de l’Orphée Noir, dans la préface que
Sartre a faite de L'Artiste et sa conscience de René
Leibowitz, — celui qui introduisit la musique dodécaphonique
dans la culture musicale française — et finalement
dans quelques interviews.
Les sujets en discussion
évoquent des thématiques de très
grande actualité: la musique comme dimension irréelle
; le débat sur l’a-sémantique ; le rôle
de la voix en ce qu’il ne peut pas se limiter à être
simplement un rôle instrumental, mais en ce qu’il
implique, au moins en partie, un caractère événementiel
; le rapport entre la musique d’avant-garde et les classes populaires
; le jugement très positif sur le jazz. De telles perspectives
ouvrent un terrain fécond par rapport à la confrontation
avec l’autre grande figure du vingtième siècle,
T.W. Adorno, notamment l’Adorno de la Philosophie de la nouvelle
musique, une comparaison serait très stimulante des critiques
que Sartre et Adorno font par rapport au paradigme dodécaphonique,
tout en évaluant les divergences qui en émergent
à propos, surtout, de leur approche au jazz.
William L. McBRIDE: Sartre
et le sens de l’histoire
Dans cette communication,
j’essaierai d’expliquer et d’évaluer l’aspect
de la philosophie sartrienne mentionné dans mon titre,
c’est-à-dire sa conception de l’histoire, que
je trouve à la fois complexe et valable. Je commencerai
avec la réponse faite par Sartre à Albert Camus
à ce sujet. Puis, dans un tour d’horizon, j’examinerai
des textes sartriens à propos du passé dans L’Être
et le néant ; à propos d’un avenir fasciste possible
dans L’Existentialisme est un humanisme ; à
propos de la détermination du sens du passé par les
générations suivantes dans Vérité
et existence; et à propos de l’histoire comme totalisation,
une idée-clé de la Critique de la raison
dialectique. Ensuite, je me demandeerai jusqu’à quel
point on doit accepter ces analyses sartriennes et, en particulier,
s’il y a des éléments indispensables pour
comprendre « le sens de l’histoire » et s’il y en a un
(ou plusieurs), qui y manquent, ou qui y jouent un rôle insuffisamment
important: par exemple, l’individu.
Arno MÜNSTER: Réflexions
sur Réflexions sur la question juive
Dans cette conférence nous nous
efforçons à démontrer comment Sartre,
à la différence de Hannah Arendt, qui traite
de l’antisémitisme comme « idéologie laïque
du XIXème siècle », place, dès le début
de son essai « Réflexions sur la question juive
» (1946), sa recherche sur l’antisémitisme moderne
sous l’enseigne de la thèse que « l’antisémitisme
est originellement un manichéisme », expliquant
le train du monde par la lutte du principe du Bien contre le principe
du Mal. (« Il faut que l’un des deux principes triomphe et
que l’autre soit anéanti. ») Sartre met aussi en évidence
comment cet antisémitisme est fondé sur le ressentiment
des foules, de l’homme moyen à l’égard de
tout ce qui est différent et exceptionnel, et que l’antisémitisme
est par conséquent beaucoup plus une « passion »,
une « affection » de haine et de colère qu’une
doctrine. Nous tenterons aussi de mettre en évidence comment
Sartre, par son analyse critique de l’antisémitisme moderne,
réussit à déconstruire, par une analyse plus
socio-psychologique que historique, tous les préjugés
dont les juifs ont été victimes, en opposant à
l’image caricaturale du « juif usurier » celle de
la douceur du juif remplie du sens de la justice et de la
raison, « douceur obstinée qu’il conserve au milieu
des persécutions les plus atroces ».
Références Bibliographiques :
Jean-Paul Sartre, Réflexions
sur la question juive, Gallimard, Paris, 1946.
Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Calmann-Lévy,
Paris, 1973.
Adorno/Horkheimer, "Eléments de l’antisémitisme", in
Dialectique de la Raison, trad. E.Kaufholz, Gallimard,
Paris, 1974.
Robert Misrahi, Sartre et les Juifs (Une histoire étonnante),
« Les Nouveaux Cahiers » de l’Alliance Israëlite
Universelle, n°61, Paris, 1980.
Arno Münster, Sartre et la praxis (Ontologie de la liberté
et praxis dans la pensée de Jean-Paul Sartre), L’Harmattan,
Paris, 2005.
François NOUDELMANN:
Dégénérations Sartre
La critique sartrienne
peut-elle échapper au discours de Sartre
sur sa propre œuvre? Est-il possible de penser l'univers Sartre
autrement qu'en termes de totalisation et d'engendrement,
et de proposer d'autres schèmes de lecture? Cette
tentative conduirait à redéfinir la notion de
génération, tant au cœur de la pensée sartrienne
qu'en rapport à ses interprétations, celles
des sartriens mais aussi celles des philosophes qui, depuis les
années 80, lui ont manifesté à la fois une
distance critique et une dette théorique.
Philippe PETIT: Le statut
du réel chez Sartre
Je souhaiterais
interroger la question de la consistance du Réel
ou de son inconsistance à l'aune du vis-à-vis
Réel et Pensée avec ses prolongements
conceptuels du côté de l'irréel et de l'imaginaire.
Intervention philosophique donc, mais dont l'objet serait
essentiellement de mettre en perspective la nature des présupposés
sartriens concernant "la réalité humaine" et ses
prolongements historiques via "la philosophie devenue monde":
le marxisme.
Gilles PHILIPPE: Où
en sont les études génétiques sur Sartre?
Il s’agira d’abord
de faire le bilan des travaux passés, en cours
et en vue de l’équipe Sartre de l’Institut des Textes
et Manuscrits (CNRS-ENS, Paris), pour voir quel peut
être leur apport dans les deux cadres dont elles participent:
celui des études génétiques (qui
maintiennent l’objectif de fonder une théorie générale
de la production des discours écrits) et celui
des études sartriennes, dont on débattra
avec la salle. On reviendra sur l’hypothèse d’un protocole
rédactionnel sartrien unique (descriptible d’un point
de vue linguistique), sur les traces de trajets intellectuels
et cognitifs que conservent les manuscrits, sur la question de
l’établissement des corpus, etc.
Deise QUINTILIANO: Sartre,
des incompatibilités électives
Sans jamais avoir
établi de traité théorique en
forme, le thème de l'amitié joue, sans aucun
doute, un rôle plus important dans les écrits
de Jean-Paul Sartre que l'écrivain, lui-même,
n'aurait pas imaginé. Analysant cette problématique
à partir des innovcations apportées par des
penseurs contemporains, appuyées notamment sur des conceptions
derridiennes développées dans Politiques
de l'amitié, la philia brille par la distance,
par l'oubli, par le respect à la subjectivité qui
empêche la "fusion anthropophagique" des amis impliqués.
Dans ce sens, différemment de la conception classique,
fondée sur les idées d'équivalence, de
réciprocité, d'égalité et de proportionnalité,
l'amitié s'avère une force fondamentale qui garantit
l'union dans la différence, la proximité dans l'éloignement,
l'affection dans la discorde. Cette réflexion, qui récupère
la subjectivité et sauvegarde l'altérité des individus,
rachète les apories du conflit intersubjectif dans les rapports
personnels, s'insinuant dans les Carnets de la drôle de
guerre, Les mots, les biographies d'écrvains, les panégyriques
consacrés aux amis, nous permettant de réévaluer
les rapports de Sartre avec ses "camarades" comme tributaires
d'une exercitation pragmatique de cette problématique,
dans une perspective contemporaine.
Hadi RIZK: Subjectivité et
multitude: éléments pour une théorie du pouvoir
constituant dans la Critique de la raison dialectique
Le jeu de relations
qui tisse les ensembles pratiques institue, dans
l'immanence des rapports interindividuels, l'être
en acte du pouvoir, des luttes et des possibles historiques.
Le but de cette communication est de montrer l'effectivité
pratique et politique, ainsi que la pertinence théorique,
de la Critique de la raison dialectique, en rapport
avec les travaux de Foucault, de Deleuze ou de Negri. Plus
encore, la CRD, qui s'apparente en cela à un
véritable laboratoire conceptuel, nous livre des opérateurs
théoriques sur des questions liées au principe
du pouvoir constituant, comme force subjective, productive
et politique: quelles sont, par exemple, l'origine et la signification
de la liaison transindividuelle, qui s'effectue dans le développement,
dans le devenir monde des subjectivités?
La multitude
est une multiplicité de singularités,qui
ne peut être ramenée à la notion
de peuple, ou subsumée sous la catégorie
classique de souveraineté. La multitude, aussi, manifeste
la puissance productive des individus, celle du corps,
du travail et, par conséquent, elle forme un tissu de
luttes, sur fond d'exploitation et d'assujettissement. La multitude,
enfin, se confond avec la réalité ontologique d'une
subjectivité tout entière tournée vers l'action,
vers l'invention du monde.
De même,
la subjectivité est le pivot d'une individualité
transindividuelle, qui déborde les oppositions sclérosées
de l'individu et de la communauté: Sartre a bien rendu
cette infinité de la multitude à travers
la notion d'une multiplicité de totalisations qui se
recoupent, se recouvrent, s'interpénètrent, mais
ne se fondent jamais en un quelconque hyperorganisme collectif.
Par conséquent,
il s'agit de montrer comment la critique sartrienne
de la notion de sujet, entreprise dès la Transcendance
de l'Ego a, dans ce texte, des conséquences
inattendues et fécondes. De même, on mesurera
le sens de l'idée de totalisation ainsi que les
effets critiques de la totalité détotalisée.
De ce point de vue, une confrontation doit être
entreprise avec les travaux de Foucault sur le pouvoir et
les analyses de Lefort ou de Gauchet, sur la nécessaire
indétermination démocratique, ou sur le
jeu de la division au sein des collectifs. Et sans aucun doute,
la tentative de refondation de la dialectique, en tant qu'elle
surgit de l'organisme individuel — comme la logique du besoin,
du rapport au réel comme à l'impossible, et du dépassement
pratique de l'impossible —, n'est pas un avatar de la pensée
de l'Un ou de la totalité: elle aide, au contraire, à
repérer la crise qui peut interrompre les continuités
dynamiques, infinies, entre la multitude et les systèmes,
la puissance et le pouvoir, le désir et les procédures
de contrôle, c'est-à-dire à penser le
changement historique.
Référence Bibliographique :
La constitution de l'être social, Kimé,
Paris, 1996.
Nao SAWADA: Donner le rien: générosité
paradoxale chez Sartre
La générosité
de l’homme Sartre est un fait fort connu. En revanche la générosité
ou la question du don chez Sartre penseur reste un sujet peu exploité.
Non que ce thème n’intéressât pas notre
penseur, mais parce qu’il ne l’a jamais traité thématiquement
et avec cohérence. Il n’en demeure pas moins une clé
importante de la morale sartrienne. En fait, dans L’Etre et
le néant, Sartre ne souligne que l’aspect négatif
du don en qualifiant ce dernier de forme primitive de destruction.
Cependant dans la dernière moitié des années
40 en cherchant à établir une morale existentielle,
le thème du don commence à avoir une autre allure.
Ainsi on peut trouver de nombreux passages consacrés à
ce thème dans les Cahiers pour une morale. La problématique
du don est d’ailleurs étroitement liée à celle
de l’appel et de la reconnaissance, deux autres mots-clé éthiques.
Tout en suivant l'évolution de cette notion depuis
« La liberté cartésienne » jusqu'à
L'Idiot de la famille, je tenterai de mettre en relief
son importance à la fois sur les plans littéraire
et philosophique.
Heiner WITTMANN: Sartre,
Venise et l’art. Les passions du Tintoret
« L’artiste
est un suspect ». Cette première phrase
du texte de Sartre sur André Masson s’applique aussi
bien à tous les autres écrivains et artistes
dont Sartre a analysé l’œuvre dans ses études
de portraits. En étudiant notamment l’œuvre du Tintoret
et sa passion de peindre à travers l’analyse de plusieurs
de ses tableaux, Sartre voulait prouver comment l’individu peut
se faire accepter malgré toute critique, et contre l’opinion
de la plupart de ses contemporains, en créant une
œuvre neuve pour son époque. Cette intervention analyse
les textes de Sartre sur le Tintoret et cherche a en expliquer
leur place dans son esthétique et partant dans l’ensemble
de son œuvre. Le sujet de Sartre est le suivant: comment mesure-t-on
la marge de manœuvre d’un individu? Chaque artiste étudié
par Sartre et surtout le Tintoret a heurté les goûts préconçus
de ses contemporains. Or, chacun de ces artistes a connu tôt
ou tard un grand succès dans son art. En termes sartriens,
ces artistes savaient bien mettre leur public face à
sa propre responsabilité. A part des procédés
et des méthodes du Tintoret, il s’agit donc aussi du pouvoir
inhérent de l’art qui conduit le public à changer
d’avis et accueillir favorablement l’art dont il se méfiait
d’abord. L'étude des portraits d'artistes est une occasion
de découvrir des continuites remarquables dans l'oeuvre
de Sartre. (avec projection de diapositives).
Références Bibliographiques :
L'esthétique de Sartre. Artistes et
intellectuels, traduit par J. Yacar et N. Weitemeier,
L'Harmattan, Paris 2001.
Sartre und die Kunst. Die Porträtstudien
von Tintoretto bis Flaubert, Gunter Narr Verlag, Tübingen
1996.
Albert Camus. Kunst und Moral. Dialoghi/Dialogues.
Literatur und Kultur Italiens und Frankreichs. Hrsg.
Dirk Hoeges, Verlag Peter Lang, Frankfurt/M u.a. 2002.
Gérard WORMSER: Sartre
et l'intentionnalité morale
Au cours de ses
années de maturation Sartre reste longtemps
ambivalent à l'égard de ses propres orientations
morales. Critiquées dans ce qu'elles auraient
de conformistes, elle restent instables si elles se rapprochent
excessivement d'un subjectivisme esthétique. La
question reste en suspens durant les années trente et
la critique de l'humanisme dans la Nausée semble
renvoyer la morale à la mauvaise foi et à l'inauthenticité.
Cependant, les horizons de coexistence que Sartre découvre
notamment après Munich et durant la drôle
de guerre (Carnets) le confirment dans l'idée
qu'il est impossible de penser l'action hors de perspectives
incluant autrui et non pas seulement sa situation singulière.
Adossée à ce qu'il infère de ses lectures
de Husserl, Sartre élabore, entre 1938 et 1948, une
réflexion sur l'intentionnalité morale dont les apories
formeront le creuset de la future Critique de la raison dialectique.
Références Bibliographiques :
Sartre, Armand Colin, 1999 (traduit en italien
en 2005 chez Marinotti).
Dictionnaire d'éthique et de philosophie
morale (PUF 1997).
Dictionnaire Sartre (Champion, 2004).
Revue électronique [Sens] [Public]: http://www.sens-public.org
Vincent VON WROBLEWSKY:
Traduire Sartre en Allemand — quelques réflexions
pratico-aléatoires
Traduire Sartre, surtout les textes philosophiques, en
allemand pose quelques problèmes particuliers qui
se distinguent par exemple des traductions en anglais,
italien ou espagnol. D'une part, ils sont dûs au fait que
des philosophes allemands — surtout Heidegger — ont joué
un rôle particulier dans la genèse et l'évolution
de la pensée sartrienne et que des concepts ayant
une connotation spécifique chez ceux-ci (Eigentlichkeit,
Geschichtlichkeit, Zeitlickeit, Dasein ...) ont connu des modifications
sémantiques et contextuelles en passant au français
(authenticité, historicité, temporalité,
réalité-humaine ...). Faut-il maintenir ces
modifications — quand et dans quelle mesure — en retournant à
l'allemand (Authentizität, menschliche-Realität etc.)?
Peut-on établir des règles générales
ou faut-il prendre des décisions particulières
pour chaque traduction (p.e. pour L'Être et le néant
et pour les Cahiers pour une morale)? D'autre part, l'allemand
a — comparé à l'anglais, l'italien... — des particularités
surtout sémantiques qui posent de nombreux problèmes,
tels par exemple l'impossibilité de former un pluriel de
nombreux termes abstraits (amour, haine, être, conscience...)
ou le fait qu'à un terme français correspondent
plusieurs termes allemands (p.e. fondement = Grund, Grundlegung,
Begründung, Grundlage... ou à un terme allemand plusieurs
termes francais, par exemple Grund = fondement, fond, raison).
L'intervenant se propose de discuter ces problèmes en
s'appuyant surtout sur sa traduction des Cahiers pour une
morale.
Jeong-Im YOON: La réception
de Sartre en Corée
La réception
de Sartre en Corée du Sud s'est développée
autour de son existentalisme et son idée sur
l'engagement littéraire. En suscitant une violente
polémique littéraire des années 50,
elle révèle non seulement la situation compliquée
de la Corée après la guerre, mais aussi
la problématique de l'engagement sartrien. Malgré
sa célébrité, la plupart des ouvrages
de Sartre nous restent encore des terres inconnues. Un
bref aperçu de la réception coréenne
de Sartre pourrait nous aider à comprendre l'image d'un
écrivain drôlement engagé.