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DU LUNDI 22 AOÛT (19 H) AU LUNDI 29 AOÛT (19 H) 2005



1905-2005 : LAÏCITÉ VIVANTE


DIRECTION : Jean-Pierre DUBOIS, Driss EL-YAZAMI

ARGUMENT :

Plus que jamais au cœur de l’actualité et objet de débats passionnés, la laïcité exige autant de fidélité aux combats républicains que de volonté de relever les défis d’aujourd’hui. Elle recompose les forces politiques et intellectuelles en renouvelant champs et enjeux des débats.

« Exception française », la laïcité, au point que le mot serait intraduisible? Il faut mesurer la formation historique et l’étendue réelle d’une singularité nationale pour comprendre ce qu’elle porte d’universel, de résonance planétaire, de valeurs partagées de libertés et d’égalité.

En ce centenaire, nous interrogerons notre histoire laïque? ne fût-ce que pour dissiper ignorances et préjugés ; nous mesurerons les changements qui ont affecté la société française afin de faire vivre la laïcité dans le monde réel et non dans un musée ; nous scruterons enfin l’horizon international puisque l’avenir de la laïcité française n’est isolable ni des conditions dans lesquelles se poursuivra l’intégration européenne ni, plus largement, des rapports entre cultures et civilisations confrontées aux convulsions nées de la « globalisation »

CALENDRIER DÉFINITIF :

Lundi 22 août
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Mardi 23 août
Le modèle français de laïcité: Genèse
Matin:
Table Ronde : Contexte historique de la construction du modèle français, avec Jean-Pierre DUBOIS, Jacqueline LALOUETTE et Gilles MANCERON

Après-midi:
Emile POULAT: Le processus de construction du modèle français


Mercredi 24 août
Le modèle français de laïcité: Mise en actes
Matin:
Patrice ROLLAND: L'application prétorienne de la loi de 1905

Après-midi:
Gilles MANCERON: La République et la laïcité dans les colonies


Jeudi 25 août
Actualisations: Environnement international
Matin:
Semih VANER: Le mal de vivre laïque: le cas de la Turquie

Après-midi:
Table Ronde : Europe et laïcité, avec Olivier ABEL, Catherine WIHTOL DE WENDEN et Mohammed ARKOUN


Vendredi 26 août
Matin:
Actualisations: Société française: évolutions
Martine COHEN: Laïcité et pluralisme dans une société sécularisée
Jean-Pierre DUBOIS: Sphères publiques, sphères privées

Après-midi:
Enjeux et perspectives: Enjeux planétaires: laïcité et mondialisation
Table Ronde : Islam et laïcité, avec Mohammed ARKOUN, Driss EL-YAZAMI et Pierre TOURNEMIRE


Samedi 27 août
Enjeux et perspectives: Enjeux français: faire vivre la laïcité aujourd'hui
Matin:
Table Ronde : Quel avenir pour la loi de 1905? Les mots, les principes et les actes, avec Jean-Michel DUCOMTE et Michel TUBIANA

Après-midi:
Jean-Marie SWERRY: Le cas des aumôneries
Françoise LORCERIE: Quelle politique scolaire laïque aujourd’hui?
Francine BEST: Principes laïques et démocratie dans l'Ecole


Dimanche 28 août
Matin:
Table Ronde : Laïcité et universalisme, avec Etienne BALIBAR (Laïcité et universalisme), Jean BAUBÉROT et Jean-Pierre DUBOIS

Après-midi:
Véronique RIEFFEL: Projet d'instance de recherche...
Conclusions


Lundi 29 août
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Etienne BALIBAR: Laïcité et universalisme
Le concept de « laïcité », issu d’une histoire nationale récente et particulière, s’est inscrit dans des institutions qui incarnent un compromis contingent entre forces politiques et sociales, même s’il a longtemps paru intangible. Il est profondément marqué dans son inspiration idéologique comme dans ses modalités d’application par l’héritage d’une certaine tradition religieuse et d’un certain projet impérial. A partir du moment où l’on ne considère plus comme une évidence qu’il exprime par définition « l’universel », toutes les questions suscitées par la rencontre de deux termes aussi équivoques l’un que l’autre redeviennent des questions théoriques ouvertes. Cela ne veut dire ni qu’on retourne au cléricalisme, ni qu’on entend faire du communautarisme la loi de la cité. Mais qu’on doit affronter de façon neuve les difficultés d’un règlement politique du conflit des « universalités » religieuses et anti-religieuses, et au bout du compte la question de ce qu’est construire l’universel en un lieu historique donné — par exemple l’Europe, « provincialisée » par le choc en retour de la mondialisation dont elle a été l’initiatrice. Les leçons de la philosophie critique occidentale, dans leur complexité retrouvée, peuvent y contribuer de façon essentielle, mais certainement pas exclusive.

Martine COHEN: Laïcité et pluralisme dans une société sécularisée
La construction de la laïcité française est marquée par les défis ou les « obstacles » qu’elle a dû ou qu’elle doit encore affronter ainsi que par le contexte social global de chaque époque. Globalement, elle est passée d’une confrontation historique entre l’Etat républicain et l’Eglise catholique, dans une société fortement imprégnée par le catholicisme, à la nécessité actuelle d’une gestion du pluralisme religieux, mais aussi moral et culturel, où l’islam serait la figure de « l’autre » de l’identité nationale.
Autrement dit, dans une société aujourd’hui fortement sécularisée et individualisée, la confessionnalisation de l’islam ne semble pas suffire à assurer l’intégration des « musulmans ». Des affirmations identitaires, tant au sein des engagements religieux que dans des cercles qui s’auto-désignent comme « laïques », élargissent les revendications à des questions, d’histoire, de mémoire et de « reconnaissance ». Le monde catholique lui-même, se sentant également minoritaire, est partagé entre cette dynamique identitaire et un positionnement de « religion civile ». La laïcité n’aurait donc plus à régler uniquement la question de la place des religions dans l’identité nationale, mais aussi celle des identités, éventuellement « en concurrence » avec cette identité nationale ou entre elles.

Françoise LORCERIE: Quelle politique scolaire laïque aujourd’hui?
Qu’est-ce qui rend laïque une politique scolaire? ou qu’est-ce qui la rend contraire à la laïcité? La réponse est moins claire aujourd’hui que jamais. Le dernier épisode de politisation de la laïcité a fait apparaître au grand jour un double clivage parmi les laïques. D’abord un clivage entre pour vs contre une interdiction législative des signes islamiques à l’école ; et puis, en intersection mais sans superposition, un clivage entre acteurs extérieurs à l’école (prenant l’école comme objet) et acteurs internes à l’école (voyant l’école comme champ d’action professionnelle).
Les problèmes construits en enjeux prioritaires de la laïcité ne sont pas les mêmes selon que l’on a affaire aux uns ou aux autres, et la position à l’égard d’une législation d’interdiction s’est avérée variable. Les acteurs laïques extérieurs à l’école ont privilégié au total des enjeux d’intégration sociétale (et il y a bien là une tradition de la laïcité française). Ce qui fut en question en 2003-2004 était la place de l’islam en France: sa visibilité et son acceptation, à l’école notamment mais pas uniquement. Deux camps opposés invoquaient la tradition: les uns demandant l’interdiction des signes islamiques visibles ; les autres argumentant le maintien d’une législation libérale. Les acteurs représentant les professions scolaires, quant à eux, se sont difficilement raccrochés à cette problématique, à l’exception du SNPDEN (syndicat UNSA des chefs d’établissement). Les syndicats d’enseignants sont entrés avec réticence dans le débat, pour finir par se placer majoritairement dans le camp des opposants à une loi, tout en divergeant entre eux sur les enjeux prioritaires qu’ils assignaient à une éventuelle revitalisation de la laïcité scolaire et sans rejoindre clairement le camp des tenants d’une laïcité libérale, telle que formulée par le Conseil d’Etat.
L’épisode aura donc fait apparaître la confusion qui règne aujourd’hui en France quant aux enjeux de la laïcité scolaire. Si la laïcité de l’Etat a valeur constitutionnelle et ne fait plus débat, la laïcité scolaire reste une ressource politique. Dans l’épisode récent, elle a révélé son potentiel conservateur au double plan social et scolaire.

Gilles MANCERON: La République et la laïcité dans les colonies
Conformément à la formule de Gambetta, pour qui la laïcité n'était "pas un article d'exportation", la République n'a pas appliqué dans ses colonies les principes de la loi de 1905. Son article 43 § 2 prévoyait que "des règlements d'administration publique détermineront les conditions dans lesquelles la présente loi sera applicable en Algérie et aux colonies". Les quatre décrets concernant l'Algérie, les Antilles et la Réunion, Madagascar et le Cameroun, qui ont été pris entre 1907 et 1913, ont, en réalité (sauf pour les Antilles), vidé de son contenu le principe de la séparation. Cela parce que, d'une part, les gouvernements de la IIIème République aux colonies, dans une logique parfaitement concordataire, voulaient garder les cultes sous leur contrôle, et tout particulièrement le culte musulman, de façon qu'ils puissent être des alliés de l'administration coloniale et non des facteurs potentiels de contestation de celle-ci. Et aussi parce que la politique coloniale suscitait une sorte de convergence entre la mission évangélisatrice des Eglises chrétiennes et la mission civilisatrice que la République s'attribuait aux colonies, qui justifiait une collaboration entre républicains laïques et missionnaires religieux (même si elle n'excluait pas les rivalités) et une sorte de mise entre parenthèses de la querelle métropolitaine opposant laïques et cléricaux.

Emile POULAT: Le processus de construction du modèle français
Aventure intellectuelle et politique dont l'avenir reste ouverte, la laïcité n'est pas seulement une conviction personnelle ou partagée, ni même un présupposé de notre culture contemporaine. Elle traduit une révolution de la pensée qui s'est inscrite dans nos institutions: le passage d'un régime où la vérité catholique faisant loi à un régime où la conscience libre affirme ses droits et les faits politiquement reconnaître.
Cette grande transformation a donné naissance à ce qu'il convient d'appeler Notre laïcité publiquepuisqu'elle est notre sort commun, quelles que soient nos dispositions privées. Comme toute vie sociale, elle repose sur un compromis qui permet à une société de durer et de se développer sans éclater. Quand la laïcité se réalise, elle prend des formes qui déconcertent ses champions comme ses adversaires les plus résolus.
C'est la laïcité qui nous gouverne que l'on découvrira ici: non plus seulement les jeux du cléricalisme et de l'anticléricalisme, les prétentions rivales de l'Eglise et de l'Etat, mais les problèmes posés à l'Etat par 60 millions de consciences en liberté et décidées à user de toutes leurs libertés.

Références Bibliographiques :

Liberté, laïcité. La guerre des deux France et le principe de la modernité, Paris, Cujas, 1988.
La solution laïque et ses processus, Paris, Berg International, 1997.
Notre laïcité publique. « La France est une République laïque », Paris, Berg International, 2003.


Patrice ROLLAND: L'application prétorienne de la loi de 1905
La loi de 1905 est le résultat d'un arbitrage et d'une négociation au Parlement. Les intentions de la majorité qui l'a adopté sont multiples et non nécessairement compatibles. L'esprit de la loi n'a donc rien d'évident. L'étude de l'application de la loi par le juge, et tout particulièrement par le Conseil d'Etat, devrait permettre de comprendre comment les intentions les plus libérales du législateur de 1905 ont triomphé sur des traditions gallicanes ou même anti-cléricales. On peut penser que le juge a déjà intériorisé les principes du droit des libertés précisément à partir de ces grandes lois que la République a commencé à mettre en place à partir de 1881 pour donner un statut aux principales libertés. Cette expérience dessine très clairement les principes d'interprétation d'une loi de liberté comme celle de 1905. Le dialogue entre le juge et le législateur n'est pas pour autant univoque. Celui-ci peut choisir de contredire expressément en 2003, sur le terrain de la laïcité, une jurisprudence qui s'inscrivait pourtant dans une tradition de liberté de conscience bien établie.

Semih VANER: Le mal de vivre laïque: le cas de la Turquie
La Turquie tient beaucoup à sa laïcité et ce depuis longtemps. Elle est le premier pays, le seul pays musulman à avoir supprimé de sa Constitution (1928) la clause faisant de l’islam la religion d’Etat. Elle est le premier, le seul pays musulman, voire probablement le premier pays au monde, à avoir constitutionnalisé (1937) la laïcité. Quel est le terrain historique et sociologique sur lequel cette laïcité a pu s’asseoir? Quelle fut sa pratique? Quelle est la signification de la laïcité dans une société ayant une culture musulmane? Quels sont les rapports de la laïcité et en particulier du laïcisme avec la démocratie?


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