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Les
seigneurs de Cerisy
On trouve au fil des siècles certaines familles connues dans la Manche,
ayant possédé tout ou une partie des deux fiefs constituant la
seigneurie de Cerisy: PIROU, GRIMOUVILLE, GUERROTS, RICHIER, CAILLEBOT.
Le nom de "La Salle", provenant de la région de Dreux, titre de ces
derniers, donna aussi son nom au château de Montpinchon. Il permet de
différencier le bourg des deux autres Cerisy bas-normands. |
Les
Richier [ L'exposition ]
La famille qui illustre Cerisy est celle des Richier, dont on trouve
trace au début du XVème siècle, l'un d'eux ayant été anobli par Louis
XI. Leur blason était "de sinople à la bande d'argent accostée de deux
cotices et sommée d'un léopard d'or". La famille prend de l'importance
à partir de sa conversion au calvinisme vers le milieu du XVIème
siècle; l'histoire de la seigneurie est alors marquée par le
protestantisme et par l'essor économique que les réformés surent donner
à leur communauté. L'église fut "plantée" vers 1558 au château où avait
lieu le culte, mais le seigneur continuait à nommer les curés de la
paroisse catholique.
Afin de pouvoir continuer le culte chez lui, Jean Richier (1582-1669)
réunit les deux fiefs de Cerisy. Il fit construire le château actuel et
représenta sa région à divers synodes. Il obtint, en 1640, un brevet
royal l'autorisant à établir un marché à Cerisy chaque samedi (la
pratique se poursuit actuellement) et deux foires à chaque
Saint-Martin. Il développa la culture et le tissage du lin (jusqu'à 500
métiers) et fit venir des tisserands coreligionnaires, le commerce des
toiles finissant par ruiner celui de Coutances. Sous le règne de Louis
XIV, les restrictions à la pratique du culte réformé s'accentuèrent
malgré les autorisations royales de 1679 et l'église fut supprimée en
1684. En 1685, dès le lendemain de la publication de la Révocation de
l'Edit de Nantes, "s'abattirent 80 dragons dont l'un deux voulut faire
violence à la douairière, femme d'âge et de vertu". La plupart des
Richier et de leurs épouses (telles Renée Samson, Elisabeth Le Loup,
Louise Puchot, dont on voit l'aigle à deux têtes du blason sur la porte
d'entrée) restèrent fidèles à leur religion et s'exilèrent ou se
cachèrent. Un des Richier ayant abjuré hérita de la seigneurie. L'un de
ses fils, Jacques (1708-1771), docteur en théologie, devint évêque et
son cœur est conservé dans l'église du bourg. Le dernier des Richier,
officier de cavalerie, émigra en 1791 pour rejoindre l'armée des
princes et mourut sans descendance à Londres. |
La
période moderne
Décrété bien national, le château fut vendu en l'An II à un marchand de
Coutances. Après annulation de l'achat, il fut acquis en 1804, par
François Duherissier de Gerville qui le revendit, le 2 octobre 1819,
pour la somme de 40.000 écus, à Joseph Savary, capitaine d'infanterie
en retraite.
Depuis cette
date, le château est resté dans la même famille.
Joseph Savary
(1774-1854) était issu d'une lignée de cultivateurs de
Notre-Dame-de-Cenilly. Son grand-père aurait été fermier au château.
Engagé volontaire en 1791, il fit presque toutes les campagnes de la
République et de l'Empire, devint chevalier de la légion d'honneur.
Maire de Cerisy, il obtint l'installation d'une brigade de gendarmerie.
Son fils, Théodore (1815-1870), magistrat, conseiller général, épousa
la fille d'un haut magistrat, homme politique ayant parmi ses
ascendants les Lucas, fondateurs des Glaceries de Saint Gobain près de
Cherbourg. |
Charles
Savary
Leur fils Charles (1845-1889) commença une brillante carrière
politique: jeune avocat, il fonda avec des amis la Conférence
Tocqueville qu'il présida, fut député à 25 ans, président du Conseil
Général, sous-secrétaire d'Etat, publia divers ouvrages. Sa carrière
fut interrompue par la faillite financière de ses entreprises
industrielles et bancaires. Il dut s'exiler au Canada où il mourut. Il
avait auparavant cédé le château à sa femme, Marguerite Mahou, cousine
éloignée, traductrice de nombreuses œuvres anglaises. |
Gaston
Paris [ L'exposition ]
Celle-ci se remaria en 1891 avec Gaston Paris (1839-1903),
administrateur du Collège de France, membre de l'Académie Française,
philologue et spécialiste de littérature médiévale. Le cimetière de
Cerisy conserve sa tombe et le château, outre une partie de sa
bibliothèque, garde le souvenir, par des photos et poèmes, des amis
souvent illustres, dont José Maria de Heredia, qui fréquentèrent la
maison en lui faisant connaître, dès cette époque, une intense activité
culturelle. |
Paul
Desjardins [ L'exposition ]
La fille de Charles Savary, Marie Amélie (1875-1948), épousa en 1896
Paul Desjardins, fils d'Ernest Desjardins, professeur au Collège de
France, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Paul
Desjardins (1859-1940) fonda en 1892 l'"Union pour l'Action Morale"
devenue, apès sa prise de position en faveur de Dreyfus et au lendemain
de la crise moderniste, l'"Union pour la Vérité" (1905-1940).
Professeur, notamment à l'Ecole Normale de Sèvres, poète, écrivain,
essayiste, il acheta en 1906, à la suite de la loi de séparation des
Eglises et de l'Etat, l'ancienne abbaye cistercienne de Pontigny, près
d'Auxerre, en Bourgogne, depuis longtemps abandonnée par ses moines et
menaçant de tomber en ruine. |
Les
décades de Pontigny [ L'exposition
]
De 1910 à 1913, puis de 1922 à 1939, les "décades" de Pontigny, de
renom international, furent liées aux débuts et au développement de la Nouvelle Revue Française, à la
rénovation de l'art théâtral et à beaucoup de formes du mouvement
philosophique, religieux, artistique et social. Des thèmes politiques y
furent souvent abordés, notamment en faveur de la coopération
européenne.
Site de l'Association des Amis de Pontigny: http://abbayedepontigny.eu |
Anne
Heurgon-Desjardins [ L'exposition
]
Paul Desjardins meurt en mars 1940, son dernier fils en juin. Sa veuve
et leur fille Anne, seule survivante des quatre enfants, décident,
après bien des hésitations, de conserver la propriété familiale de
Cerisy. La part majoritaire qu'elles détenaient dans la Société des
Amis de Pontigny revient à l'Eglise, une partie de la bibliothèque est
vendue à Royaumont. Cela permet de commencer la remise en état du
château de Cerisy, longtemps inhabité et ayant beaucoup souffert de
l'occupation de l'armée allemande et de la bataille des bocages en
juillet 1944.
Dès 1946, l'ensemble du château et de ses dépendances est protégé comme
monument "inscrit". Poussée et soutenue par les amis qu'elle avait
connus à l'Abbaye, et qui souhaitaient voir revivre "l'esprit" de
Pontigny, Anne Heurgon-Desjardins organise d'abord quelques décades à Royaumont (http://www.royaumont.com)
puis, les premiers aménagements terminés, parvient à ouvrir le Centre
Culturel en 1952, en donnant au château la même vocation que son père
avait su donner à Pontigny. |
Catherine
Peyrou et Edith Heurgon [ L'exposition
]
Catherine
Peyrou & Edith Heurgon
Anne Heurgon-Desjardins disparaît en 1977. Ses deux filles, Catherine
Peyrou et Edith Heurgon, assurent conjointement, pendant près de trente
ans, la direction du Centre Culturel, poursuivant ainsi, de Pontigny à
Cerisy, le même projet familial de favoriser la culture et la pensée.
Alors que sa mère avait porté surtout son effort sur la remise en état
et l’agrandissement des lieux pour développer les capacités d’accueil
du Centre, Catherine Peyrou,
avec un goût très sûr et une grande énergie, s’est efforcée de les
entretenir, de les embellir et d’accroître leur confort pour les
adapter aux exigences de la vie actuelle, parfois peu compatibles avec
celles du monument. C’est ainsi que le château de Cerisy, classé, avec
l'ancienne Ferme, parmi les Monuments Historiques en 1995, est devenu,
progressivement, l’objet principal de son œuvre, à laquelle elle se
vouait corps et âme, celle d’un "architecte d’intérieur", non
professionnel certes, mais non sans talent. Elle le faisait visiter
inlassablement, dès l’arrivée, afin que chaque participant se rende
compte du lieu où il allait séjourner, qu’il en saisisse l’esprit,
qu’il partage les choix de vie qui s’y trouvent en vigueur. Avec sa
disponibilité généreuse, son sens chaleureux et égalitaire de
l'hospitalité, Catherine Peyrou accueillait les hôtes de Cerisy d’une
manière telle qu’ils pouvaient, à juste titre, se sentir reçus comme
des membres de la famille.
Depuis son décès à la fin de 2006, sa sœur Edith Heurgon assume la
direction du Centre avec le soutien de Jacques Peyrou, son mari,
accompagné de ses enfants.
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