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DU VENDREDI 6 JUIN (19 H) AU MARDI 10 JUIN (18 H) 2003



CASTORIADIS ET L'IMAGINAIRE

PERSPECTIVES RADICALES SUR LA PHILOSOPHIE,
LE POLITIQUE, LA PSYCHANALYSE ET L'HISTOIRE



DIRECTION : Andreas KALYVAS, Fernando URRIBARRI

COORDINATION : Zoé CASTORIADIS

ARGUMENT :

Dans l’œuvre de Cornelius Castoriadis, qui couvre des domaines aussi variés que la politique, la psychanalyse, la théorie du social, l’histoire, l’épistémologie et la philosophie, l’imaginaire a été abordé de la façon la plus systématique et la plus radicale. Les innovations conceptuelles et les vues originales sur l’imaginaire de Castoriadis restent peu connues, elles sont souvent négligées et parfois mésinterprétées. Pour mettre la contribution unique du philosophe au centre des débats contemporains nous avons choisi trois axes:

1. Etudier la fonction et le développement du concept de l’imaginaire dans l’œuvre même de Castoriadis et la vision nouvelle qu’elle a rendue possible.

2. Faire le point sur les débats contemporains relatifs à la relation entre société et psyché, idéologie et savoir, réalité instituée et pouvoir social instituant, à l’aide de ses idées mères: imagination radicale, imaginaire social, et autonomie.

3. Confronter des différentes perspectives et faire ainsi progresser notre compréhension, non seulement de la contribution de Castoriadis, mais aussi de la catégorie de l’imaginaire comme telle.

CALENDRIER DÉFINITIF :

Vendredi 6 juin
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Samedi 7 juin
Matin:
Johann ARNASON: Autonomie, maîtrise et création ; conflits et métamorphoses de l'imaginaire moderne
Harald WOLF: Renouvellement ou crise de l'imaginaire capitaliste?

Après-midi:
Andreas KALYVAS: Hétéronomie, aliénation, idéologie: Castoriadis et la question de la domination

Table Ronde : "S'il y a un penseur du nom de Castoriadis?", avec Johann ARNASON, Fabio CIARAMELLI, Olivier FRESSARD, Andreas KALYVAS et Fernando URRIBARRI


Dimanche 8 juin
Matin:
Vincent DESCOMBES: Les formes de la subjectivité
Fabio CIARAMELLI: La question de la signification entre création et interprétation

Après-midi:
Gérassimos STEPHANATOS: Repenser la psyché comme imagination radicale
Fernando URRIBARRI: Les carrefours de la sublimation: de la socialisation à l'autonomie
Francois RICHARD: Processus de subjectivation et imagination radicale


Lundi 9 juin
Matin:
Philippe RAYNAUD: Castoriadis et l'héritage grec
Pierre MANENT: Aristote, la démocratie, Castoriadis

Après-midi:
Dick HOWARD: Aristote, Marx et Castoriadis
Suzi ADAMS: Castoriadis et phusis ‘au sens le plus profond’: une vue des archives


Mardi 10 juin
Matin:
Olivier FRESSARD: Puissance de l'imaginaire: perspectives pratiques
Daniel BLANCHARD: L'idée de révolution chez Castoriadis

Conclusions

Après-midi:
DÉPART DES PARTICIPANTS

RÉSUMÉS :

Johann ARNASON: Autonomie, maîtrise et création ; conflits et métamorphoses de l'imaginaire moderne
L’analyse de l’imaginaire chez Castoriadis peut être lue comme une approche nouvelle du conflit culturel entre les lumières et le romantisme, et comme une esquisse de synthèse des thèmes critiques des deux côtés. Le rapport avec l’imagination créatrice souligne la dimension “romantique” de l’idée d’autonomie; en même temps, les projections imaginaires de la maîtrise rationnelle distinguent la logique de la domination des courants contestataires qui remontent aux lumières. Mais "l’institution duale" de la quête de la maîtrise rationnelle et du projet d’autonomie exige une analyse approfondie qui mettrait l’accent sur les conflits des interprétations. Les significations imaginaires de la maîtrise et de l’autonomie, ainsi que leurs rapports mutuels, sont ouverts à de multiples interprétations qui ont influencé les formations idéologiques et institutionnelles de la modernité. Les métamorphoses du capitalisme moderne doivent être comprises comme des combinaisons changeantes des deux significations, plutôt que comme des expressions d’une poussée constante à la maîtrise ; plus généralement parlant, on ne peut pas comprendre les vicissitudes du libéralisme — y compris sa remontée récente — sans tenir compte de sa capacité de développer et d’imposer des interprétations de l’autonomie.

Fabio CIARAMELLI: La question de la signification entre création et interprétation
Ce qui rend la vie humaine et qui, par là même, assure la médiation originaire entre le psychique et le social-historique (contrairement au discours qui domine aujourd'hui sur la soi-disant "biopolitique", visant d'une manière incohérente à une relation directe et immédiate entre "bios" et "polis"), c'est l'institution. Castoriadis a insisté à maintes reprise sur la source radicalement imaginaire de celle-ci, à savoir du symbolique. Cela signifie que le domaine de la signification ne relève pas de l'ordre de l'interprétation (présupposant forcément un sens prédonné, se livrant progressivement au regard herméneutique), mais bel et bien de l'ordre de la création. Ma contribution s'attachera à développer les implications philosophiques de cette préséance ontologique de la création collective des significations par rapport à l'ordre dérivé de l'interprétation.

Olivier FRESSARD: Puissance de l'imaginaire: perspectives pratiques
"Institution imaginaire de la société" signifie que chaque société vient à l’existence par la création ex nihilo d’un monde social propre qui est l’incarnation d’un "magma de significations imaginaires sociales".
Castoriadis propose ainsi une théorie où l’imaginaire acquiert une puissance de création proprement démiurgique. Ce pouvoir de faire être des mondes radicalement autres est ipso facto la source de la clôture culturelle de chaque société.
Cette conception, pour laquelle les significations sont irréductibles à l’explication causale, met l’accent pour la compréhension de l’autre sur la cohérence interne des totalités singulières et sur les ruptures historiques.
On s’interrogera ici, en particulier, sur les conséquences pratiques de cette thèse pour l’action orientée vers autrui, plus précisément pour les relations entre les sociétés dès lors que celles-ci sont réputées être radicalement autres.

Andreas KALYVAS: Hétéronomie, aliénation, idéologie: Castoriadis et la question de domination
Le point central de l’œuvre de Castoriadis est le concept d'autonomie. On ne saurait contester l’importance de sa redécouverte de l’autonomie ; mais il manque à sa compréhension de la politique et de la démocratie une élucidation de l’hétéronomie qui ait la même force. Ce manque affaiblit la radicalité de son projet politique de trois façons intimement liées. Premièrement, l’approche théorique de Castoriadis ne prend pas pleinement en compte les formes de domination et les relations asymétriques de pouvoir. Deuxièmement, l’effet critique de ses analyses du capitalisme, du libéralisme et de la représentation politique dans l’Etat moderne reste incomplet dans la mesure où elles minimisent le rôle des structures matérielles d’oppression. Enfin, le dépassement de l’hétéronomie semble être dans son approche essentiellement une question de perception, d’éducation et d’imagination éclairée, plutôt qu’un problème d’élimination de relations concrètes, économiques et socio-politiques, d’assujettissement et d’exploitation. Ma présentation se conclura par une tentative de reconstruction utilisant les concepts et les arguments de Castoriadis pour développer à travers son approche théorique une notion de l’hétéronomie qui intégrera les fonctions coercitives de l’Etat libéral et du marché capitaliste...

Philippe RAYNAUD: Castoriadis et l'héritage grec
Dans les débats contemporains sur les rapports entre "Anciens et Modernes", Castoriadis occupe une place singulière ; il est profondément "grec" par sa manière d’affirmer le caractère "architectonique" de la politique et par son affirmation de l’autonomie de la philosophie à l’égard du "nomos", mais il ne s’inscrit dans aucune des deux traditions dominantes chez ceux qui plaident pour le "retour aux Anciens": il insiste sur les divisions de la philosophie grecque et sur le conflit entre Platon et Athènes, il ne fait pas de la Cité une "belle totalité". On s’attachera à analyser le rapport original de Castoriadis à la tradition grecque, en insistant  sur sa vision des rapports — et du conflit  — entre Platon et Aristote.

Gérassimos STEPHANATOS: Repenser la psyché comme imagination radicale
A partir de la conception freudienne et l'apport "antinomique" de Freud à la question de l'imagination, l'Einbildung, Castoriadis thèmatise l'élément imaginaire constituant de la psyché. Sa définition de la psyché comme imagination radicale, c'est-à-dire essentiellement comme émergence de représentations ou flux représentatif/affectif/intentionnel non soumis à la déterminité, implique des conséquences ontologiques, logiques, métapsychologiques, mais aussi une redéfinition de la psychanalyse comme activité pratico-poétique et une nouvelle conception du sujet.
Nous insisterons sur l'apport de Castoriadis à la psychanalyse, et plus précisement à sa théorie de la représentation et de la fantasmatisation qui rencontre, à notre sens, celle de l'activité représentative pictographique chez Piera Aulagnier. Nous envisagerons également la relation du "Je" avec des significations "imaginaires sociales", dans le cadre de sa théorisation du processus de la socialisation nécessaire de la monade psychique.

Fernando URRIBARRI: Les carrefours de la sublimation: de la socialisation à l'autonomie
La notion freudienne de sublimation, centrale dans la pensée de Cornelius Castoriadis, est reprise et re-élaborée tout au long de son œuvre d’une façon très originale mais pas très systématique. Dans le chapitre VI de L'Institution Imaginaire de la société la notion de sublimation est replacée et modifiée à travers sa double articulation avec l'imagination radicale de la psyché et  le processus de socialisation. Par conséquent certaines dimensions fondamentales du processus sublimatoire sont revisitées méta-psychologiquement: son objet — défini comme "signification imaginaire sociale" — sa topique, son économie etc. Dans son œuvre ultérieure la notion de sublimation sera enrichie, directement et indirectement,  par le rôle que Castoriadis lui confère dans sa théorisation du sujet humain, notamment dans son rapport avec la passion, la réflexion et la subjectivité autonome. Je voudrais donc d'abord présenter et argumenter l'idée selon laquelle il y a, chez Castoriadis, une conception élargie de la sublimation, que j'essaierai d'esquisser et d'articuler méta-psychologiquement. Puis, je discuterai les conséquences décisives de cette conception sur l'élucidation de la question de la créativité et l'autonomie individuelles.

Harald WOLF: Renouvellement ou crise de l'imaginaire capitaliste?
Cette contribution met en question l’imaginaire capitaliste : son noyau chez Castoriadis — maîtrise (pseudo)rationnelle, organisation bureaucratique — et ses métamorphoses contemporains. On a parlé d’un "nouvel esprit du capitalisme“ (Boltanski/Chiapello): organisation en réseau des projets, autonomie relative du travail. Ces mutations de l’idéologie managériale et le développement correspondant de l’institution de l’organisation et du travail signifient-ils un véritable renouvellement de l’imaginaire capitaliste? Ou bien ces changements, avec leurs contradictions et leurs limites, sont-ils, au contraire, l’indice d’une crise profonde de la capacité d’innovation et de mobilisation des significations imaginaires sociales centrales du capitalisme?


Avec le soutien de la Foundation for Modern Greek Studies
et la collaboration de l'Association Coenius Castoriadis



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